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REVUE DES DEUX MONDES.

ROSEMBERG.

Non ! quand je suis ainsi près de vous, quand ma main tremble en touchant votre robe, quand vos yeux bleus s’abaissent sur moi avec ce rayon de lumière où respire la joie des anges ; non ! Barberine, Dieu ne le défend pas. Hélas ! point de reproches ! je ne puis m’éloigner.

BARBERINE.

Que vous me trouviez belle, et que vous le disiez, cela ne me fâche pas beaucoup. Mais à quoi bon en dire davantage ? Le comte Ulric est votre ami.

ROSEMBERG.

Qu’en sais-je ? ô ma comtesse chérie ! De quoi puis-je me souvenir près de vous ?

BARBERINE.

Quoi ! si je consentais à vous écouter, ni l’amitié, ni la crainte de Dieu, ni la confiance d’un gentilhomme qui vous envoie auprès de moi, rien n’est capable de vous faire hésiter ?

ROSEMBERG.

Non, sur mon ame, rien au monde. Vous êtes si belle, Barberine ! Vos yeux sont si doux, votre sourire est le bonheur lui-même !

BARBERINE.

Je vous l’ai dit, tout cela ne me fâche pas. Mais pourquoi prendre ainsi ma main ? Songez-vous à ce que vous faites ? Ce qui appartient à un ami n’est-il pas sacré et scellé ? Dieu ! il me semble que si j’étais homme, je mourrais plutôt que de parler d’amour à la femme de mon ami.

ROSEMBERG.

Et moi, je mourrais plutôt que de cesser de vous parler d’amour.

BARBERINE.

Vraiment ! sur votre honneur, cela est votre sentiment ?

ROSEMBERG.

Sur mon ame, sur mon honneur.

BARBERINE.

Vous trahiriez de bon cœur un ami ?

ROSEMBERG.

Oui, pour vous plaire, pour un regard de vous.

BARBERINE.

Sans repentir ?

ROSEMBERG.

Avec la joie d’un saint qui s’envole vers Dieu.