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DES ARTS EN HOLLANDE.

l’auberge du père Van Soomeren ; on lui fit voir le tableau ; il en offrit cent ducatons, qui furent acceptés, comme on le pense bien, avec des larmes de reconnaissance et de joie. M. du Vermandois venait de reconnaître, dans ce malheureux enfant, l’auteur des belles compositions que Hals lui vendait au poids de l’or.

Pourquoi faut-il qu’Adrien Brauwer n’ait pas su profiter de sa fortune ! Depuis ce jour, on ne le vit plus sortir des cabarets, que lorsque sa bourse et son crédit étaient à sec comme son gosier. Alors il saisissait ses pinceaux pour retourner bientôt joindre ses compagnons de plaisir. Le boulanger Craesbeke, son commensal et son ami, lequel, avec les leçons d’Adrien, devint aussi un peintre distingué, lui tenait fidèle compagnie dans toutes ses débauches ; Brauwer, Craesbeke et sa femme, jolie et complaisante personne, se lièrent si intimement, que tout était commun entre eux. La justice fut obligée d’intervenir au nom de la morale blessée, et l’association fut dissoute.

Brauwer se rendit d’Amsterdam à Anvers, où les remontrances et les prières du duc d’Aremberg et du grand Rubens ne purent le décider à changer de conduite. Il partit pour Paris, d’où il revint mourant de ses mauvaises mœurs. Il trépassa dans un hôpital, et on l’enterra au cimetière des pestiférés !

Telle est la vie d’Adrien Brauwer qu’il faut bien connaître pour juger ses ouvrages ; alors on s’explique pourquoi, reproduisant à peu près les mêmes scènes que Van Ostade et Teniers, il a remplacé l’esprit et la bonhomie de ses rivaux par une joie brutale et qui tient de la fureur. Ses disputes et ses rixes de buveurs font trembler plutôt que sourire ; quelquefois le sang coule. Brauwer est le Salvator Rosa des cabarets.

Je me contenterai de cataloguer ici les tableaux des autres principaux maîtres, qui forment le musée d’Amsterdam. Van Dyck y a trois pièces importantes, entre autres le portrait en pied, grandeur naturelle, de la princesse Marie d’Angleterre, femme du prince d’Orange, Guillaume ii, et celui de Glocester, frère de cette princesse ; Rubens, également trois pièces, dont l’esquisse de son Jésus portant la croix au Calvaire ; deux Ruysdaël ; six Van de Velde, dont une grande marine historique représentant la Prise du vaisseau anglais the Royal Prince par l’amiral Ruyter ; quatre