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REVUE DES DEUX MONDES.

Et telle est maintenant sa sève exubérante,
Et sa force vitale et la somme odorante
Des parfums amassés en son vase vermeil,
Qu’à la brise nocturne, à la pluie, au soleil,
Au torrent qui s’écoule, au voyageur qui passe,
Au vent, à l’arc-en-ciel, à la terre, à l’espace,
Elle peut en donner avec profusion,
Sans que cela l’épuise en aucune façon.
Or, celle-là chérit le mont qu’elle domine,
Et le sol de granit où plonge sa racine,
Et la mâle fraîcheur qui sur elle descend ;
Et comme un nourrisson vigoureux et puissant
Préfère le vin pur au lait de la mamelle,
Elle aime mieux les vents qui soufflent autour d’elle,
Les vents de la montagne, impétueux et froids,
Que la brise des prés, des vallons et des bois.
Une autre est triste et pâle, et valétudinaire,
Et penche un front débile et se plaint du tonnerre
Qui, dans la nue en feu, gémit à son côté,
Et l’éveille en sursaut pendant les nuits d’été.
Hélas ! il lui fallait, pauvre petite plante,
Une terre de pré, ni froide ni brûlante,
Mais tiède et tempérée, un gazon doux et frais,
Un rayon de soleil, un peu d’ombre et de paix.
Il lui fallait, Seigneur, la rosée et la plaine,
Les humides fraîcheurs de la source lointaine,
Le voisinage heureux des lis immaculés,
Et l’oiseau matinal qui chante dans les blés.
Elle a lutté long-temps contre vous, ô nature !
Et livrée aux fléaux qui passent d’aventure,
À la foudre qui tombe, à la neige qui fond,
Elle attend de mourir ou de quitter le mont.

Heureux Margaritus ! chaque fleur, chaque tige
Lui dit ce qui l’amuse, et lui plaît et l’afflige ;
Et mieux qu’un amoureux rêveur et de vingt ans