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REVUE DES DEUX MONDES.

Et certaines, à qui j’avais rendu service,
Sans le savoir peut-être et sans m’en souvenir,
Se mirent à chanter comme pour me bénir.

« Salut, jeune amoureux ! parle donc, qui t’appelle
En ce petit jardin où ta dame n’est pas ?
Tu ne sais nous aimer, jeune homme, que pour elle,
Et lorsque de son front nous tomberons, hélas !
Tu viendras dans le champ, sitôt l’aube nouvelle,
Cueillir les autres fleurs, et tu nous oublîras. »

Mais toutes n’avaient pas tant de charme et de grâce ;
Et plusieurs que d’abord, aux rides de leur face,
À leurs mentons barbus, au bizarre patron
De la coiffe de lin qui recouvrait leur front,
Je reconnus, lecteur, pour de dévotes filles,
Sitôt que je parus, croisèrent leurs mantilles,
Et remuant les doigts, pâles, clignant des yeux,
Marmottèrent des mots d’un sens mystérieux,
Des mots dits d’une voix chevrotante et grossière,
Et pareille à la voix dont une filandière
Ameute le quartier contre un jeune étourdi
Qui, pendant qu’elle dort à l’ombre de midi,
S’approche de sa chaise, et sans façon embrouille
Les fils de son rouet et ceux de sa quenouille.

Et mon nom, en courant, comme une goutte d’eau
Prenait dans chaque fleur quelque reflet nouveau.

Pourtant je m’aperçus, un peu tard, qu’à mesure
Qu’elles me regardaient fixement, leur murmure
Devenait moins flatteur et leur parler moins doux ;
C’étaient des mots en l’air indiscrets et jaloux,