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REVUE. — CHRONIQUE.

motifs qui émanèrent du ministère de la justice. La session de 1815 débuta, indépendamment de la censure, par trois projets ; l’un punissait les cris séditieux, l’autre suspendait la liberté individuelle, le troisième créait des cours prévotales. C’était un système complet, un ensemble de dispositions répressives, tout-à-fait dans le goût des projets de lois présentés par MM. de Broglie et Persil. Les réactions suivent toujours la même pente.

Écoutons encore M. Guizot dans le développement des motifs de M. Barbé-Marbois : « Si de grands attentats ont été commis, si les lois ont été méconnues, si, pour sa propre conservation, le citoyen soumis aux lois a dû rester immobile devant les bandes séditieuses, indisciplinées, sans frein ; si le crime a joui pendant quelque temps de ses funestes triomphes, les calamités se prolongent même quand ses succès ont été interrompus. Alors les révoltés veulent à force d’audace regagner leurs avantages perdus, les séditieux s’excitent mutuellement, se cherchent, font des efforts pour être aperçus en tous lieux, à toute heure, comme assurés d’une nouvelle victoire. S’ils ont réussi à inspirer l’épouvante, ils s’associent tout ce que les armées ont rebuté avec indignation, tous les criminels que leur obscurité a pu soustraire à l’action des lois. Si la force publique arrête le cours de leurs desseins, ils n’y renoncent point encore ; ils ont recours aux écrits injurieux, aux discours calomnieux. L’impunité les encourage ; plusieurs se montrent à face découverte, et quoique leur indiscrétion trahisse leur faiblesse, il n’en est pas moins certain que leurs pratiques troublent l’ordre social, et l’intérêt public exige que leurs desseins turbulens et leurs détestables entreprises soient efficacement réprimés. Il y a quelques hommes dont l’unique morale est la crainte des peines. C’est contre des coupables de cette espèce que nos lois sont, à plusieurs égards, impuissantes. » N’est-ce pas là le discours de M. de Broglie contre les partis et les journaux ? n’est-ce pas toujours le même désir de trouver des coupables, de rechercher des crimes, de déplorer l’état moral de la société, pour en tirer la conclusion qu’il faut des formes violentes et contraires au système constitutionnel ? Maintenant, voulez-vous retrouver M. Madier-Montjan, M. Jaubert : écoutez M. de Sesmaisons ; les projets de déportation lui paraissaient imparfaits, point assez efficaces pour réprimer les misérables qui cherchaient à lutter contre le gouvernement légitime. M. Piet s’écriait : « Prenez toutes les précautions possibles pour l’exécution de la loi ; que les maires, les adjoints, les juges de paix, les officiers de gendarmerie, en soient personnellement responsables. Punissez sévèrement ceux qui auront toléré de pareils désordres. Je demande qu’on frappe de mort toute personne coupable d’avoir arboré dans un lieu public un drapeau autre que le drapeau blanc, ou d’avoir dit, imprimé des menaces d’un attentat contre la vie ou la personne du roi, quand même ils ne seraient pas liés à un complot. » M. Josse de Beauvoir ajouta : « Après tout ce que nous avons vu, est-ce le temps de prendre de vains ménagemens ? Depuis le retour du roi, on s’est plu à caresser le crime plutôt que de le flageller ; je vote pour les travaux forcés à perpétuité. »