Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 3.djvu/621

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
613
LA LOI SUR LA PRESSE.


Je voudrais bien savoir, pour la rendre plus claire,
Ce que c’est que ce goût dont on nous parle tant.
Le goût ! toujours le goût ! Lorsque j’étais enfant,
J’avais un précepteur qui m’en disait autant.
Je vois bien trois mille ans depuis la mort d’Homère ;
Mais, depuis trois mille ans, je ne vois sur la terre

Qu’un seul siècle de goût, qu’on appelle le grand.
C’est celui de Boileau, c’est celui de Corneille.
Mais enfin, monsieur Thiers, cette terre est bien vieille ;
Que ce siècle soit beau, soit grand, c’est à merveille,
Et je n’en dirai pas de mal assurément.
Quand le diable y serait, ce n’en est qu’un, pourtant.

Est-ce une loi pour tous, qu’un siècle dans l’histoire ?
Parce que trois pédans m’ont farci la mémoire
De je ne sais quels vers à contre-cœur appris,
N’est-il pour moi qu’un siècle, et pour moi qu’un pays ?
Eh ! s’il est glorieux, qu’il dorme dans sa gloire,
Ce siècle de malheur ; c’est du mien que je suis.

Dans quel temps vivons-nous, voyons, je vous en prie ?
Vivons-nous sous Louis, quatorzième du nom ?
Alors portons perruque, allons à Trianon.
Soyons des fleurs d’amour et de galanterie ;
Enfin, décidez-vous, monsieur Thiers, ou sinon,
Laissez-nous être au monde, et vivre notre vie.

Serait-ce, par hasard, que ce goût si vanté
Passerait à vos yeux pour quelque vieil usage ?
Ne le croiriez-vous pas de la Grèce apporté ?
Cela pourrait bien être, et vous pensez, je gage,
Que ce goût merveilleux, dont vous faites tapage,
Vient de la vénérable et sainte antiquité.