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REVUE. — CHRONIQUE.

qu’on s’efforçait de trouver il y a peu de temps, avant que le mal eût été aggravé d’une façon si étrange.

Sans doute les majorités se reforment assez facilement, et nous avons vu plus d’une fois l’opinion publique écraser subitement une chambre qui, la veille encore, se disait la voix du pays. Qui a jamais pensé que le pays ait été sanguinaire et cruel comme l’était la chambre de 1815, et que l’opinion de la France fût représentée par les effroyables projets de lois composés à cette époque par M. Guizot ? Qui a jamais cru que le pays ait bénévolement donné un milliard à l’émigration, ou qu’il ait dicté aux trois cents la loi du sacrilége ? Dieu merci, le pays ne parle pas non plus par la bouche de M. Bugeaud, et ce n’est ni M. Fulchiron, ni M. Jaubert, qui nous apportent ses vœux, bien qu’ils soient ses représentans. Faites donc un ministère qui n’ait pas une haine violente et aveugle contre la presse et la pensée ; faites un ministère qui n’ait pas l’écume à la bouche et qui ne menace pas du poing l’opposition, dont la doctrine ne soit pas de gouverner par la terreur, dont les actes ne soient pas un mélange du despotisme d’un pédagogue et de l’impatience pétulante d’un écolier, et la majorité se trouvera bientôt déplacée, aux applaudissemens de toute la France. Quand il se trouvera un ministère qui n’aura pas fondé son existence sur le monopole, qui saura créer des intérêts nouveaux tout en ne brisant pas tout à coup les intérêts anciens, qui fera, en un mot, ce qui n’a pas encore été tenté depuis 1830, vous verrez tout à coup la presse changer d’allure et de ton. Nous ne disons pas que la presse tout entière deviendra ministérielle ; mais sa haine systématique cessera, et en même temps cessera la haine prétendue du pays contre la presse. Mais tout cela ne sera pas tenté. Il faut, on le veut, il faut qu’on devienne plus puissant et plus absolu que le grand Napoléon. C’est le départ pour Moscou. Dieu seul savait où l’on allait alors, lui qui tenait en ses mains les neiges et les glaces de décembre.


À M. le Directeur de la Revue des Deux Mondes.


Monsieur,


Le public, qui a bien voulu écouter quarante fois le drame de Chatterton au Théâtre-Français, et le lire depuis, a vu que, loin de conseiller le suicide, j’avais dit : Le suicide est un crime religieux et social ; c’est ma conviction : mais que, pour toucher la société, il fallait lui montrer la torture des victimes que fait son indifférence.