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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

ce fut, en effet, l’exiguité du théâtre sur lequel elle se développa. Les petites républiques italiennes étaient trop faibles pour résister à la fois et aux ennemis du dehors et aux rivalités des grandes familles, pour lesquelles prenait parti la nation tout entière. Les luttes y étaient plus personnelles que politiques ; et Florence, Lucques, Pise et Milan eurent des factions plutôt que des partis. C’est qu’au sein de ces états, dont le territoire ne s’étendait guère au-delà des murs de la cité, les individualités étaient fortes : un condottiere était puissant par son épée, un noble par sa naissance, un marchand par son or, un démagogue par sa parole. Des chaînes tendues dans les rues, le palais de la Seigneurie forcé, le chef des blancs ou des noirs assassiné, voilà une révolution faite à Florence. Le lendemain, proscription, le surlendemain, vengeance : telle est l’histoire de ces républiques où la liberté des uns fut toujours la servitude des autres.

L’application des formes républicaines rencontrerait en France de grands obstacles, mais ce ne seraient aucuns de ceux-là. Personne aujourd’hui n’est en mesure de remuer les masses, ou du moins de fonder au milieu d’elles une influence durable ; quant à l’espoir de la transmettre aux siens, c’est un rêve, même lorsqu’on s’appelle Napoléon. Les individus n’ont de valeur que par l’idée qu’ils représentent, et qui demeure plus puissante que les plus puissans d’entre eux. L’on se met au service d’un parti, jamais un parti ne s’inféode au service d’un homme. Avec de l’or et des qualités personnelles, on devient M. Laffitte, on devenait, au xve siècle, Côme de Médicis. Le banquier florentin établit une dynastie, le banquier libéral met en vente son hôtel, qu’une souscription nationale ne rachète pas. Je comprends que les querelles des Albizzi et des Donati ensanglantassent Florence : je ne comprendrais pas que Paris courût aux armes pour élever à la présidence tel avocat ou tel industriel, depuis long-temps livré aux insultes et aux sarcasmes de la presse. Si l’établissement du régime américain ne rencontrait ailleurs de plus sérieuses difficultés, on peut croire que ces périodiques changemens finiraient par ressembler fort à des changemens de ministères, et par agiter la Bourse plus que la place publique. Ces institutions établies en France tendraient plutôt à fractionner les partis qu’à les rendre plus compactes ; elles achèveraient la décomposition que la révolution de juillet 1830 a si fort avancée. Quant à l’étendue du territoire, qui ne voit que ce fait est contrebalancé tout au moins par la rapidité des communications, par des habitudes invétérées de centralisation intellectuelle et administrative ?

Et c’est ici que se présente l’objection vraiment dirimante, c’est ici