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LE PARLEMENT ANGLAIS.

titre de bloated buffoon, que lui a infligé le rude adversaire auquel il s’est joué si imprudemment.

Ce jeune homme, bien fait, gracieux, de belle mine, qui sort de la salle, est le comte Errol. Il vote avec le ministère, bien qu’il soit presque de la famille royale. C’est en effet un gendre sous-officiel de William iv ; il a épousé une des filles naturelles de sa majesté. Je voudrais vous montrer son beau-frère, le comte de Munster, illégitimement issu de la même illustre origine ; mais il assiste rarement aux séances. Les hautes et profitables sinécures n’ont été épargnées ni à l’un ni à l’autre de ces deux nobles comtes. Vous voyez qu’en ce siècle de gouvernemens constitutionnels, soi-disant moraux et économiques, les souverains font encore, à la Louis xiv, quelque peu de bâtardise opulente et comblée.

Vous ne me demandez pas quel est ce vieillard desséché dont les jambes d’allumettes flageolent dans des bottes à revers. Il a les ailes de pigeon et la queue roulée qui sautille sur le collet brillant et poudré d’un antique frac bleu. Ne dirait-on pas quelqu’un de vos émigrés français, oublié, en 1814, par la restauration de ce côté du détroit ? Remarquez comme il va et vient : c’est le mouvement perpétuel. Les quatre-vingts ans de ce comte de Westmoreland ne l’empêchent point d’être le tory le plus remuant et le plus actif de l’assemblée. Il a été membre du cabinet, et, de loin à loin, il sait élever encore sa vieille voix pour défendre sa vieille cause. Tout-à-l’heure, après la séance, vous l’allez voir enfourcher un vieux cheval aussi maigre que son maître, et tous les deux partiront au galop. C’est peut-être une fantaisie d’imagination, mais le jour où ils ne reviendront plus, il me semble que le torisme tout entier sera mort. Tout ce qui reste à ce parti mourant, d’énergie et de solidité, je le résume, malgré moi, dans ce vieil homme. Il est là comme le dernier squelette vivant et ambulant au milieu des squelettes inanimés de cette aristocratie qui tombe en poussière.

Si vous avez remarqué cet autre petit vieillard si ingambe et affairé, qui a ses lunettes juchées sur le front et regarde partout avec ses gros yeux d’écrevisse, vous avez vu qu’il court incessamment de banc en banc et trouve quelque chose à dire, à l’oreille de chacun ; vous l’aurez sans doute pris pour un des huissiers de la chambre, car il en a le costume : l’habit noir français et la bourse de taffetas noir. Eh bien ! c’est une sorte de personnage ; c’est un noble personnage d’abord : c’est lord Shaftesbury, il descend du célèbre comte de ce nom, l’un des premiers essayists de notre langue, qui nous a laissé