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LE PARLEMENT ANGLAIS.

qui prétend répandre les connaissances utiles, et n’a jamais servi que les notions fausses, l’ignorance et le méchant style. En France, où l’on a vite perfectionné cette désastreuse invention, vous devez maudire aussi bien sincèrement son auteur. Ce n’est pas sa faute pourtant si vous avez permis à vos impudens exploitateurs d’infecter, comme ils ont fait, tout le champ littéraire, de cette ivraie qui menace d’étouffer les épis verdoyans de votre jeune poésie.

Chercherons-nous dans lord Brougham l’homme politique ? Nous le trouverons plus incomplet encore. Je l’acquitte d’avoir offert son concours aux conservateurs au prix du maintien de sa chancellerie ; cette imputation de ses ennemis est calomnieuse. Je veux qu’il n’ait jamais eu rien à faire avec le torisme ; mais s’il n’est pas redevenu whig officiel, ce n’a pas été sa faute. Il est avéré que ce sont les whigs qui n’ont pas voulu le reprendre avec eux et lui rendre les sceaux. L’expérience leur a prouvé qu’il était moins dangereux comme ennemi que comme ami. Il n’est donc ni tory ni whig ; il n’est pas radical davantage ; il est parmi les radicaux présentement, en désespoir de cause. Il n’est d’aucun parti, si ce n’est du sien, du parti de lord Brougham.

L’exemple de lord Brougham devrait avertir salutairement l’ambition de votre M. Dupin, son ami. Il y a beaucoup d’analogies singulières entre ces deux célèbres légistes ; ils se ressemblent étrangement par l’expression de leur visage, par leur fortune, par leurs inconséquences, leurs bizarreries. M. Dupin ne préside pas plus sobrement votre chambre des députés que lord Brougham ne faisait celle de nos pairs. C’est aussi un avocat qui étouffe au fauteuil et prend la parole pour lui-même beaucoup plus volontiers qu’il ne la donne. J’avoue que son éloquence est de meilleur aloi, plus rude, plus serrée, plus triomphante ; que ses coups de boutoir sont plus violens et plus mortels ; mais, dût-il escalader jamais le pouvoir qu’il assiège, je doute que son tempérament lui permette de s’y maintenir la moitié du temps que la pétulance de notre ci-devant chancelier a su demeurer assise sur le sac de laine.

§ iii.

Nous sommes de retour sous la perruque du speaker, d’où nous étions partis. Assez de portraits. Nous avons suffisamment parcouru les rangs de nos nobles lords ; il est peu de leurs célébrités que nous n’ayons dévisagées. Remontons à la galerie. De ce balcon nous regarderons une dernière fois collectivement l’assemblée ; nous ferons passer devant