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TALLEMANT DES RÉAUX.

des hommes qui passaient pour polis ne craignaient pas de souiller leurs lèvres ; rien n’étonnera ceux qui ont lu avec attention les Amours des Gaules, cette satire attribuée en partie à Bussy Rabutin, qui renferme beaucoup plus de faits historiques qu’on ne le pense généralement. La société du xviiie siècle présente à l’observateur les plus singuliers contrastes. Des jeunes gens de la cour et de la ville, des femmes de haute qualité, des bourgeoises, se livraient aux débauches les plus dégradantes ; le vaudeville malin châtiait cette conduite, et plus tard les sentimens religieux reprenaient leur empire, et on voyait tous ces enfans égarés revenir à la pratique des plus austères vertus.

On accuse Tallemant d’avoir calomnié Henri iv, d’avoir cherché à diminuer la gloire dont la mémoire de ce bon roi est environnée. Ce reproche est injuste. Dans l’historiette de ce prince, Tallemant s’est plus attaché au vert galant qu’au grand roi ; il a laissé cette tâche à l’historien ; il parle plus de ses maîtresses que de ses exploits ; est-il injuste quand il dit : « On n’a jamais vu un prince plus humain, ni qui aimât plus son peuple ? » C’est à l’égard du duc de Sully que Tallemant a surtout montré de la prévention. Ce ne serait pas ici le lieu d’entrer dans une discussion qui aurait besoin de quelques développemens ; nous sommes loin de partager les préoccupations de Tallemant à l’égard du grand ministre de Henri iv ; on ne peut cependant pas se dissimuler que l’administration de Sully est principalement connue par les Œconomies royales, composées sous ses yeux par des secrétaires à ses gages. Tous les matériaux de l’histoire sont loin d’être encore publiés ; attendons-les ; considérons seulement Tallemant comme un nouveau témoin introduit dans l’arène des débats historiques. Il ne faut pas le croire sur parole, mais il y aurait de l’injustice à refuser de l’entendre[1].

Tallemant a été l’objet d’une accusation grave ; sa plume est loin d’être chaste ; il raconte avec une sorte de complaisance des

  1. M. Paulin Paris, dans une spirituelle analyse des Mémoires de Tallemant, insérée au Bulletin de la société de l’Histoire de France, 1834 (ire partie, tom. i, pag. 32), attribue l’injustice de Tallemant envers Sully à l’influence de madame de Rambouillet, qui était dans les intérêts du duc d’Épernon, l’en-