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REVUE DES DEUX MONDES.

venus pour vous faire connaître le contenu de l’accusation portée contre vous, pour les crimes que vous avez commis envers votre époux.

TRIFFINE.

Je suis prête, messieurs. — Je ne me défendrai pas. Parlez à votre fantaisie devant la pauvre femme que voici ; je sais bien que je n’ai pas de défense contre les raisons que vous chercherez.

LE PRÉSIDENT.

D’abord pourquoi avez-vous fait périr l’enfant que vous avez mis au monde ?

TRIFFINE.

Je n’ai rien à vous répondre, messieurs ; j’ai dit déjà que je n’avais pas eu d’enfant.

LE PRÉSIDENT.

On a dit aussi que vous vouliez faire mourir votre époux.

TRIFFINE.

Arthur !… — Dieu voit la vérité et sait si je l’aime encore !…

LE PRÉSIDENT.

On vous accuse enfin d’avoir été trouvée avec des amans dans un bois.

TRIFFINE.

Si vous saviez la vérité, messieurs, aussi bien que ces hommes que je vois là et qui m’accusent (elle montre les témoins), mille remords sur eux ! — Mais, messieurs, je vous ai dit ma volonté ; ma vie et mon corps sont à vous ; — à Dieu le reste !

LE PRESIDENT, faisant avancer Arthur qui s’est tenu à l’écart.

Madame, voici le roi votre époux. Je vous supplie, au nom de Dieu, de lui parler comme à un homme loyal et de lui dire la vérité.

TRIFFINE, à l’aspect de son mari se lève, et s’écrie avec amertume.

Je suis criminelle ! — et il est un homme loyal. — Je me suis donnée à la Vierge sainte, qu’elle réponde pour moi si elle le veut ; — je n’ai rien à dire. (Tendant les bras au roi, avec un élan d’amour.) Oh ! Arthur !… Arthur !… (Le roi reste immobile, Triffine se couvre le visage.) Adieu, adieu, mes gens, je veux la mort !

Le parlement va aux voix ; Kervoura opine pour la mort de la reine ; un conseiller lui dit : « Il est bon de penser, monseigneur, que c’est votre sœur, et vous auriez le courage de l’envoyer mourir !… Je n’ajouterai rien à ce que j’ai déjà dit ; Dieu soit en aide à ceux qui sont affligés ! »

La sentence est enfin portée, le président, avant de la lire, pose la main sur les dépositions et dit :