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VOYAGE EN NORWÉGE.

piétine doucement pour s’éloigner de vous ; la gelinotte rappelle ses petits de son cri monotone ; quelquefois un lièvre blanc traverse le sentier d’un seul bond, et un écureuil brun fait crier sous sa dent un cône de pin dont il extrait la graine ; puis tout rentre dans le silence. Cependant le chemin s’allonge, la solitude se déroule devant vous, la grandeur du spectacle vous fatigue ; le poids des forêts vous accable et vous étouffe ; vous demandez de l’air, du soleil ; vous voulez voir autour de vous. Mais voici une petite rivière ; elle coule noire et silencieuse sans regarder le ciel ; c’est une tributaire du vaste torrent dont le vent commence à nous apporter la voix.

Vers le soir, le voile des forêts se déchira pour un moment ; nous nous trouvâmes au bord d’un grand lac, et en face des Alpes Scandinaves qui s’élevaient à dix ou douze lieues de nous. De hautes montagnes nues et jaunâtres formaient au-dessus des plans inférieurs une longue couronne dentelée, de laquelle s’élançait brusquement le Gousla-Field[1], vaste cône sillonné de neige, qui la dominait tout entière de sa tête chenue. À 7 heures du soir nous arrivâmes à Tindos, situé à l’extrémité du grand lac de Tind. Là le paysage changea entièrement de face, et nous prîmes une autre marche. Nous fîmes venir un petit bateau avec trois rameurs ; la poupe fut jonchée de feuilles de bouleau, et nous glissâmes rapidement sur les eaux vertes du lac, mollement étendus sur ce lit odorant. La barque prit terre à Sanden, petit hameau situé sur la rive gauche au milieu de pâturages escarpés, tous parsemés de framboisiers et de sorbiers des oiseaux. Plus nous remontions, plus les montagnes grandissaient : leurs sommets se dépouillaient de végétation, tandis que leurs flancs conservaient une robe épaisse de verdure. La nappe d’eau qui nous entourait prenait de plus en plus un caractère de grandeur et de majesté. Nous laissâmes à gauche la cascade de Varbeck, assez semblable au Staubach ; à droite, deux larges vallées qui s’élevaient devant nous dans l’éloignement comme des gouffres sans fond ; leurs pentes méridionales étaient couvertes de prairies.

  1. Field, montagne élevée et nue.