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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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30 septembre 1835.


L’Europe offre un curieux spectacle en ce moment. Tandis que la France se montre insouciante et calme, les passions politiques remuent le monde autour d’elle. Les deux principes qui travaillent l’univers semblent se trouver à l’étroit, et se soulèvent comme si le moment était venu de se précipiter l’un sur l’autre. À Kalisch, les empereurs, les rois, les princes, qu’on a pris soin de nous énumérer, et qui sont au nombre de cinq ou six cents, s’exaltent dans le pompeux et enivrant spectacle des fêtes militaires. Tout ce que la vieille Europe renferme d’aristocratie sans tache, et non suspecte d’avoir jamais prêté l’oreille aux idées de la révolution, est au camp de Kalisch ; le pur esprit de la sainte-alliance plane sur cette noble assemblée ; les vieux généraux qui rêvent un second Waterloo, les jeunes officiers qui oublient qu’il fallut vingt ans d’oppression étrangère pour soulever l’Allemagne contre la France, y donnent le ton, et se préparent déjà à une troisième invasion. On écrase dans sa pensée cette révolution dont on a tant de fois rêvé la défaite, et l’on rétablit déjà tout ce qu’une résistance inattendue et désespérée a détruit depuis cinq ans.

Pendant ce temps, un vieillard de soixante-dix ans, simple et rustique, parcourt seul l’Angleterre et l’Écosse, causant çà et là avec des artisans, s’asseyant à la table des ouvriers et des prolétaires, et devisant avec eux, dans son langage un peu grossier, des affaires du pays, des causes de la misère, des obstacles à la prospérité, et des espérances