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main et lus sur sa couverture : Chants de voyage de Uhland, mis en musique et dédiés à Mme la comtesse d’Agoult, par Dessauer. J’avoue ici que ce qui me frappa le plus dans ce titre, ce fut le nom de Uhland, poète de cœur et d’imagination, que j’aime dès l’enfance ; j’en demande pardon à M. Dessauer, et je ne doute pas qu’il ne m’eut déjà pardonné s’il savait que j’ai étudié les poètes avant d’étudier les musiciens. Il est donc tout simple qu’entre le nom de Uhland et le sien, j’aie choisi d’abord le nom de Uhland, comme lui, musicien de nature, entre Goëthe et Beethoven, choisirait Beethoven. J’emportai dans ma chambre ce cahier que la poésie du plus doux élégiaque de l’Allemagne abritait sous son aile, et me mis en devoir de le parcourir.

Les chants de M. Dessauer ont été publiés en deux livraisons, et, si je ne me trompe, sont au nombre de neuf, empreints pour la plupart de mélancolie, et de ce vague sentiment de tristesse ou d’exaltation bienheureuse qu’inspire à deux êtres qui s’aiment l’heure du départ ou du retour. C’est ainsi qu’on se dit adieu devant la porte, sous le grand pommier en fleurs ; c’est ainsi que doivent s’exhaler les dernières paroles d’une jeune fille allemande à son bien-aimé ; c’est ainsi que ses larmes doivent se répandre.

Certes, je ne prétends pas dire ici que M. Dessauer ne puise pas aux sources de son ame la tristesse dont ses chants sont remplis ; loin de moi cette pensée, tout ce que je connais aujourd’hui de M. Dessauer me porte à le regarder comme un musicien éminemment élégiaque ; cependant qu’il me soit permis de croire que cette fois, à la mélancolie de Uhland, il a joint sa propre mélancolie et s’est inspiré du sentiment de ces chansons naïves, réunissant, pour en faire des notes, toutes les larmes du poète qui tremblaient au calice de ces fleurs.

Uhland est un de ces poètes rares et merveilleux qui aiment leur pays avec enthousiasme et foi, et chez qui le sentiment patriotique est si complet et si profondément développé, qu’il ne leur suffit pas de contempler leur terre dans sa grandeur et de mesurer quelle place elle tient dans l’histoire ; il faut qu’ils descendent plus bas, qu’ils prennent les individus à part, comptent leurs peines une à une, et les observent dans leurs paisibles affections pour s’en glorifier. Uhland aime surtout le