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M. Dessauer a souvent traduit avec bonheur l’expression douce et familière de cette poésie. La musique de M. Dessauer est composée avec soin ; originale souvent, elle ne chante jamais que selon le sentiment qu’elle a dans le cœur. Cependant je lui conseille de se tenir en garde contre cet emploi si fréquent de certaines formules d’école et cet abus effréné de la modulation qui finiraient par anéantir en lui tous les élans de la pensée et de l’inspiration. Vraiment, c’est une chose étrange comme les compositeurs de l’Allemagne se servent aujourd’hui à tout propos de la modulation, et comme cette façon d’agir les porte à tout sacrifier au développement des forces instrumentales. S’ils écrivent un opéra, c’est dans l’orchestre qu’ils amoncellent toutes les inventions de leur esprit, toutes les ressources de leur art. Ils dédaignent la voix humaine comme un instrument inutile et parasite. S’ils font des lied ou des chansons, c’est encore le même procédé, la voix est la servante des doigts ; au clavier, la voix accompagne les mains. Je ne sais, mais il me semble que Mozart n’agissait pas ainsi. Un chant modulé de la sorte me fait l’effet d’une terre relevée en de continuelles ondulations, où le voyageur ne ferait que monter et descendre sans jamais trouver un lieu d’où il lui fut possible de contempler à loisir quelque spectacle harmonieux. Ah ! que j’aime mieux la plaine unie et calme, çà et là semée de champs de blé et de trèfles verts ! la plaine où l’on va au hasard, sans crainte ni fatigue ; où l’on s’assied à l’ombre pour rêver.

Il y a dans ce petit poème de Uhland une pièce admirable, selon moi, par son esprit de tristesse et de mélancolie, et dont M. Henri Heine a imité le sentiment quelque part ; la voici :

« Je voyage à cheval par la campagne sombre. Ni la lune, ni les étoiles ne donnent de clarté ; les vents glacés gémissent. Souvent j’ai pris cette route lorsque les rayons dorés du soleil souriaient au murmure des tièdes brises.

« Je voyage le long du jardin sombre ; les arbres dépouillés frissonnent, les feuilles jaunes tombent. Ici j’avais coutume, au temps des roses, lorsque tout se voue à l’amour, d’errer avec ma bien-aimée.

« Le rayon du soleil s’est éteint, les roses aussi se sont flétries, mon amour a été porté au tombeau. Je voyage par la campagne