Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
198
REVUE DES DEUX MONDES.

ceux où l’orage venant à éclater, ils tombent avec la pluie. Ils ont dû faire le trajet en très peu de temps, puisque ceux qu’on saisit au moment où ils viennent de toucher la terre ont dans l’estomac des herbes non encore digérées. »

Il est étrange que l’archevêque n’ait pas songé à rapporter à la même cause toutes les pluies d’êtres organisés. Cardan, au contraire, l’a trop généralisée en voulant l’appliquer même aux cas des pierres tombées du ciel ; voici en effet comme il s’exprime au livre xvi de son traité De subtilitate.

« Les effets que peut produire la force des vents sont véritablement prodigieux. Sur le sommet des montagnes, en particulier, leur violence est extrême, et j’ai pu en juger par moi-même une fois que je traversais l’Apennin. Un coup de vent m’emporta mon chapeau, que je vis fuir loin de moi avec la rapidité du carreau lancé par l’arbalète. Peu s’en fallut qu’il n’allât tomber avec la pluie dans une des villas voisines, ce qui eût fait sans doute crier au miracle. Ce vent était si fort qu’il rejeta en côté, de près de deux pas, le cheval que je montais, et je vis le moment où nous allions être précipités tous les deux du haut en bas des rochers. J’avais lu dans le Poge que la ville de Borghetto avait été renversée par le vent ; qu’il en avait été de même de la chapelle de Sainte-Rosine, et qu’un cabaret avait été transporté tout entier à une assez grande distance du lieu où il avait été construit. Je regardais cela comme fabuleux, mais, depuis ce qui m’est arrivé à moi-même, je suis très disposé à y croire. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner s’il pleut parfois des grenouilles, de petits poissons et des pierres, car les grenouilles et les poissons auront été pris par quelque ouragan dans les marais et les lacs placés au sommet de quelque montagne ; quant aux pierres, elles auront été enlevées à l’état de poussière, puis le vent venant à comprimer violemment ces particules désagrégées, les aura forcées à s’unir en masses solides. Ce qui me semble confirmer cette conjecture, c’est que c’est presque toujours au pied des hautes montagnes ou dans les vallées voisines qu’on a observé ces pluies étranges. »

Rondelet, dans son Histoire des animaux aquatiques, consacre un chapitre à la grenouille qui tombe du ciel, et examinant successivement les diverses hypothèses proposées à ce sujet, il s’arrête à celle que nous avons déjà vue, avancée par Olaus Magnus. « C’est, dit-il, au milieu des pluies et des tempêtes que nous arrivent ces sortes de grenouilles lesquelles ressemblent pour la forme à la rana rubeta, ainsi que l’avait déjà remarqué Aristote. Elles se forment au sein des nues, d’où elles retombent ensuite sur la terre. Quelques personnes à la vérité conçoivent diffé-