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ques exemples bien authentiques, mais c’est par les pluies de grenouilles que je dois commencer.

Je ferai remarquer en passant que ce n’est pas seulement dans l’ancien monde qu’on a parlé de batraciens tombant du ciel pendant un orage, et que la même croyance a été retrouvée en Amérique ; ainsi, le père Raymon Breton, qui, dans son dictionnaire caraïbe, a souvent donné des renseignemens curieux sur divers points d’ethnographie et d’histoire naturelle américaines, remarque à l’occasion du mot houatibi tibi, qui signifie grenouille, que « l’on en voit quelquefois tomber de petites avec la pluie. »

Sans m’arrêter davantage à ces citations qu’il ne me serait pas difficile de multiplier, je passerai aux témoignages qui se rapportent à des événemens récens. Le premier que je citerai a été observé à trente lieues de Paris, et pourtant, c’est seulement dans un ouvrage anglais, le Magazine of natural history qu’on en trouve la relation.

« Lorsque j’étais à Rouen, au mois de septembre 1828, dit M. Loudon, éditeur du recueil que je viens de nommer, j’appris d’une famille anglaise, établie dans les environs de cette ville, que pendant un violent orage accompagné d’un vent furieux, et au milieu d’éclairs qui interrompaient par intervalle une obscurité presque aussi profonde que celle de la nuit, on vit tomber sur la maison, dans les cours et dans le jardin, une multitude innombrable de petites grenouilles ; le toit, les appuis des fenêtres, les allées sablées, en étaient couverts. Ces animaux étaient très petits, mais parfaitement formés ; tous étaient morts. La journée suivante ayant été très chaude, ces grenouilles se desséchèrent, et ne paraissaient après cela que comme de petites pelottes de la grosseur d’une tête d’épingle. (Magazine of natural history, tome ii p. 103.)

Un fait tout semblable est rapporté dans un des numéros de novembre 1828 du Belfast chronicle. « Il y a quelques jours, dit le rédacteur du journal, que deux gentlemen qui s’étaient assis pour causer sur une des bornes de la chaussée aux environs de Bushmills, furent surpris par un orage, et virent tomber de tous côtés une pluie serrée de grenouilles à demi formées. Quelques-uns de ces animaux ont été recueillis, et on peut en voir conservés dans l’esprit de vin, chez les deux apothicaires établis à Bushmills. »

Quoique ces deux faits se trouvent consignés dans un recueil assez connu des naturalistes français, il ne paraît pas que nos savans y aient fait attention, et la question des pluies de grenouilles semblât devoir rester encore long-temps dans l’oubli, lorsqu’une communication assez peu importante en elle-même devint une occasion pour que des observations plus concluantes acquissent de la publicité.