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cratie est l’humanité parvenue aux premiers soupçons et aux plus vagues désirs de son émancipation. Les prêtres de l’Égypte y travaillèrent ; l’époque monarchique dont Thésée est le titulaire la prépara ; l’archontat des Eupatrides abritait son enfance ; Solon et Clisthènes lui donnèrent des lois ; Miltiade lui mit à la main une épée victorieuse, et Thémistocle le sceptre des mers. Voilà qui est grand et nécessaire. La démocratie grecque est l’esprit humain lui-même sortant du mystère et du temple pour s’épanouir à la vie et à la liberté ; c’est Bias, c’est Hérodote, c’est Sophocle, c’est Phidias, c’est Platon lui-même ; oui, c’est seulement dans une démocratie que Platon pouvait écrire contre la démocratie. Pour regretter et enseigner l’Orient, la liberté de l’Académie et de l’Agora n’étaient pas inutiles.

C’est au milieu des guerres médiques, entre Marathon et Salamine, que commença de fleurir un poète qui chanta plutôt l’antiquité de la nation commune que son glorieux présent. Pindare prête son génie à une suprême et resplendissante évocation d’un passé dont chaque moment précipite la chute et la mémoire ; mais sans son propre siècle eût-il célébré les siècles anciens ? C’est dans les agitations et les flots du temps où il vit qu’il trempera ses armes et son génie, comme dans les eaux du Styx. Il chantera les anciens jours, l’oreille encore pleine des cris de la liberté nouvelle et populaire ; il célébrera les traditions théocratiques et sacerdotales, ayant sous les yeux les révolutions démocratiques de Clisthènes ; et s’il vante les rois, ce sera du vivant de Thémistocle.

Pindare naquit à Thèbes, ou à Cynocéphale, bourg très peu distant de la capitale de la Béotie. Les uns appellent son père Daïphante, d’autres Scopelinus, quelques-uns Pagonidas. Myrto, suivant une version, est le nom de sa mère ; Clidicée, selon une autre tradition. C’est dans la première année de la soixante-cinquième olympiade que Pindare vint à la vie, s’il faut en croire Suidas. Les anciens biographes font épouser à notre poète Timoxène, et disent qu’il eut de cette femme un fils nommé Daïphante, et deux filles, Protomaque et Polymetis.

La vie du poète fut longue, majestueuse et fortunée. Il avait reçu des dieux l’amour et le génie de la poésie et de la musique, dons heureux auxquels l’éducation sut attacher la puissance et la