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DON JUAN D’AUTRICHE.

machina, qui réconcilie ses deux fils, et dona Florinde, qui promet de ne jamais revoir son amant, sans qu’on sache le secret de sa résignation.

Où est la vocation qui donne son titre à cette comédie ? est-ce la vocation de dona Florinde pour le catholicisme, ou celle de don Juan pour la gloire militaire ? Décide qui pourra.

Le second et le quatrième actes ne tiennent pas très étroitement aux trois autres, et sont par eux-mêmes une pièce dans la pièce. Mais je me résignerais volontiers à cette superfétation poétique, si j’avais pu deviner le caractère comique de l’ouvrage. Une fille qu’un roi essaie de violer ne me semble pas prêter à la comédie. Un jeune homme qui joue sa tête pour défendre sa maîtresse, n’est pas non plus un sujet très plaisant. Un roi qui appelle au secours de sa rage amoureuse le tribunal de l’inquisition, et qui d’un trait de plume peut condamner au bûcher son rival et celle qu’il n’a pu vaincre, me paraît plus terrible que ridicule. N’êtes-vous pas de mon avis ? Je ne prétends pas que la biographie de don Juan n’offre aucun sujet de comédie ; mais je déclare en mon âme et conscience que la comédie de M. Delavigne n’est rien moins que gaie.

Ce qui m’a frappé surtout dans cette parodie de l’Espagne au xvie siècle, c’est la couleur voltairienne de Charles-Quint et de don Juan. L’empereur et son fils traitent les questions religieuses comme Zadig ou Pangloss. On dirait que la diète de Worms a déjà trois siècles sur les épaules ; ils ne s’inquiètent ni du saint-siége, ni de Luther ; le protestantisme armé de l’Allemagne ne trouble pas un instant leur pensée. M. Delavigne, faisant parler Charles-Quint comme l’ami de Mme Duchatelet, ressemble fort à ces monarchistes ignorans qui ne voient dans l’histoire de France, depuis quatorze siècles, qu’une succession de rois pareils en tout à Louis xiv. Des deux côtés c’est le même aveuglement ; l’étiquette royale de Versailles, au début de la conquête franke, n’est pas plus ridicule que le sourire de Voltaire dans le couvent de Saint-Just.

La prose de cette comédie, historique au dire de l’affiche, est d’un tissu tout-à-fait nouveau. Ce n’est ni la phrase claire et rapide du xviiie siècle, ni la phrase sévère et logique du xviie, ni la phrase ample et flottante du xvie, ni même la phrase ambitieuse, et tour