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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

plus glorieuse page de ton histoire entre deux autres tachées de sang.

L’Italie, conspiratrice silencieuse, opprimée par l’étranger, eût-elle moins résisté que la Pologne à cet entraînement de la vengeance et du fanatisme ? Voyez plutôt ces cités espagnoles où triompha ce qu’on ose appeler l’esprit du siècle ; villes de mœurs élégantes et de lumières, où des hommes ont été vus, en plein jour et sous le soleil, traquant des vieillards, élevant autour d’eux des remparts de feu, versant leur sang comme de l’eau, parce qu’une couronne sacerdotale était dessinée sur leurs cheveux blancs !

La guerre, c’était donc la décomposition universelle, l’abîme de toute civilisation et de toute liberté.

La première préoccupation du gouvernement français, plus immédiatement menacé qu’aucun autre, devait donc être de nouer des rapports étroits avec l’Angleterre ; car cette alliance seule le rendait assez fort pour qu’on ne cédât pas à la tentation de l’attaquer, ou à la velléité plus probable de l’humilier en lui faisant payer la convenance de la paix. D’ailleurs, tant que se maintiendra l’organisation actuelle de l’Europe, tout gouvernement qui aura intérêt majeur au statu quo devra rechercher et obtiendra toujours cette alliance. L’état politique du monde a été réglé dans le plus grand intérêt de la Grande-Bretagne, et toute modification à l’ordre existant compromet sa suprématie si habilement assise, domination qui enveloppe l’univers par un immense réseau dont la première maille s’attache au rocher d’Héligoland, et la dernière au pied de la grande muraille.

L’Angleterre n’a désormais rien à gagner et ne pourrait que perdre à toute altération apportée au système territorial consacré par les traités. Elle fera peut-être la guerre pour le maintenir, elle ne la fera jamais pour le changer. Son alliance appartenait donc à la France du moment où des nécessités, heureusement temporaires, nous imposaient l’obligation de ne provoquer aucun redressement à des stipulations dont nous avons tant à nous plaindre.

La Russie est placée dans une situation diamétralement opposée. Cette puissance n’est point encore arrivée à son complet développement ; son mouvement interne, sa végétation naturelle, la portent vers une partie de l’Europe, où elle ne peut s’étendre sans briser l’équilibre. Elle est donc l’alliée naturelle de toutes les nations auxquelles le statu quo donne une situation fausse et contrainte, comme la Grande-Bretagne est l’alliée de toutes celles qui ne songent qu’à conserver. La Russie s’alliera un jour à la France ; ce ne pouvait être en 1830, car la France