Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/364

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
360
REVUE DES DEUX MONDES.

Tout-à-l’heure pressait le clavier palpitant
Plein de notes sonores,

Et les faisait jaillir sous son doigt souverain
Qui se crispe et s’alonge,
Et ruisseler le long des grands tubes d’airain
Comme l’eau d’une éponge.


Qu’on me démontre, tant qu’on le voudra, l’exactitude de la comparaison, et l’harmonie coulant le long des tuyaux, comme ferait l’eau d’une éponge dans un lavage général de l’orgue, l’impression que j’en éprouve est déplaisante, désobligeante, et, loin de l’augmenter, elle amoindrit tout l’effet des beaux vers précédens. Ailleurs, dans la petite pièce xiv, Oh ! n’insultez jamais une femme qui tombe ! on lit :


Quand le vent du malheur ébranlait leur vertu,
Qui de nous n’a pas vu de ces femmes brisées
S’y cramponner long-temps de leurs mains épuisées,
Comme au bout d’une branche on voit étinceler
Une goutte de pluie où le ciel vient briller, etc.


En lisant cela, l’esprit n’a pas eu le temps de se détacher de ce mot si rude, cramponner, qu’il lui faut déjà passer à ce qu’il y a de plus fluide et mobile, à la goutte d’eau qui tremble au bout de la branche. Cette critique de détail, quoique depuis long-temps on ait perdu l’habitude d’en faire, nous a paru indispensable en présence d’une production aussi importante de la maturité d’un poète de génie. Ces sortes de fautes, qu’on peut passer à une rude et vigoureuse jeunesse, auraient dû disparaître avec les crudités inhérentes à cet âge. Il nous semble, si le souvenir ne nous abuse pas, que les Feuilles d’Automne en contenaient moins et annonçaient un travail d’élaboration que les Chants du Crépuscule ne réalisent qu’en partie ; ou peut-être, ces fautes ne nous choquent-elles ici davantage que par le caractère plus élégiaque des morceaux qui les entourent et les font ressortir, et aussi par la susceptibilité d’un goût malheureusement plus difficile et plus rebuté avec l’âge. Nous n’en sommes pas moins sensible, qu’on veuille nous croire, à tout ce qui s’y trouve à profusion d’images