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LETTRES SUR LA SICILE.

réformer d’anciens et nombreux abus ; le seul bienfait qu’elle leur dut, fut d’avoir été sauvée de l’invasion française.

La constitution de 1812 déclarait la Sicile un état indépendant, et il avait été reconnu que si jamais le roi retournait à Naples, la couronne passerait à son fils ; le congrès de Vienne en décida autrement ; il réunit de nouveau les deux couronnes, sous le nom de Royaume des Deux-Siciles, voulant empêcher ainsi la Sicile d’avoir une constitution séparée. Une commission nommée à cette époque pour revoir la constitution de 1812 et l’adapter aux royaumes réunis, eut ordre de ne rien faire et ne fit rien. La noblesse et les communes siciliennes perdirent ainsi à la fois leurs nouveaux droits, et les droits et priviléges anciens qu’ils avaient sacrifiés pour les acquérir.

Tous les esprits étaient exaspérés et disposés à profiter de la première occasion pour secouer un joug abhorré ; elle ne tarda pas à se présenter. Les lois de la conscription et du timbre, promulguées en 1820 par le cabinet napolitain, portèrent à son comble la fureur des Siciliens, et alors aussi la nouvelle de la révolution de Naples retentit à Palerme, où l’on célébrait la fête de sainte Rosalie ; elle fut accueillie avec enthousiasme et aux cris de vive la constitution espagnole, vive l’indépendance sicilienne.

La révolution éclata également dans l’île. Le commencement en fut marqué par de graves désordres populaires. Le but des insurgés n’était pas de changer la dynastie régnante, ni de lui demander un autre souverain. Les personnes éclairées qui essayèrent de se mettre à la tête du mouvement et formèrent la junte provisoire, voulaient assurer l’indépendance territoriale du royaume, et recouvrer des droits politiques en se conservant fidèles au monarque qui régnait à Naples. Elles demandaient pour la Sicile, abreuvée d’humiliations et réduite au rang de province, les droits qu’elle avait possédés jadis.

Mais comme il arrive dans la plupart des révolutions, le peuple, d’abord caressé et poussé en avant, se livra bientôt aux excès les plus atroces ; Messine, l’ancienne rivale de Palerme, se prononça pour le maintien du système napolitain ; plusieurs villes importantes imitèrent son exemple, et la guerre civile éclata dans la moitié de l’île.