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mais pour ceux qui veulent que l’art reproduise la nature, dans cette absence de dignité, quel pathétique déchirant ! — Puis Hieronimo revient tout à coup seul avec ce vieillard ; tantôt il le prend pour son fils : « Horatio, lui dit-il, tu es plus vieux que ton père ! » tantôt il croit que c’est une ombre qui vient le traîner au tribunal de l’enfer, pour n’avoir pas vengé son fils ; puis, finissant par le reconnaître, il l’emmène chez Isabelle. « Viens, dit-il, nous y pleurerons tous trois ensemble. »

Cependant le vice-roi de Portugal est venu en personne pour assister au mariage de don Balthazar avec Bel-Imperia. Ce mariage doit avoir lieu le lendemain, et le duc de Castille, sachant que son fils est accusé d’empêcher que Hieronimo n’ait accès auprès du roi, opère entre eux une réconciliation, à laquelle Hieronimo se prête avec toute l’apparence de l’empressement et de la cordialité.

L’OMBRE (qui en ce moment s’aperçoit que la Vengeance s’est endormie).

Éveille-toi ! Vengeance, éveille-toi !

LA VENGEANCE.

M’éveiller ? Et pourquoi ?

L’OMBRE.

Debout, Vengeance ! tu es mal avisée de dormir ; éveille-toi. Eh quoi ! ne sais-tu pas que tu dois veiller ?

LA VENGEANCE.

Calme-toi, et ne m’importune pas.

L’OMBRE.

Debout, Vengeance, si l’Amour a, comme autrefois, quelque pouvoir en enfer ! Hieronimo est ligué avec Lorenzo, et il intercepte tout passage à la justice. Debout, Vengeance, ou nous sommes perdus !

LA VENGEANCE.

Rassure-toi, Andrea ; quoique je dorme, ma pensée tourmente leurs ames. Qu’il te suffise que le pauvre Hieronimo ne peut oublier son fils Horatio. Pour s’assoupir un peu, la Vengeance ne s’endort pas ; car la vigilance sait feindre le repos, et dans le monde le sommeil n’est souvent qu’un piége. Tu vas voir, Andrea, comment la Vengeance dort, et ce que c’est que d’être poursuivi par le Destin.

(Entre une pantomime.)