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REVUE. — CHRONIQUE.

idées de la révolution, dans ses prédilections pour le clergé, dans le besoin qu’elle éprouvait d’augmenter chaque jour l’influence et les priviléges de l’aristocratie, dans sa haine pour l’extension que prenait la liberté dans les pays voisins ; et ces éloges, décernés par un écrivain qui a écrit l’histoire de la restauration, dont il a été le chaud et le fidèle partisan, dont il est resté fort honorablement le panégyriste, ces éloges sembleront la satire la plus terrible du ministère qui les a provoqués. Assurément, si M. Guizot et M. de Broglie étaient aussi enclins au soupçon que M. Thiers, l’ouvrage politique dont nous parlons causerait de grands troubles dans le ministère. Mais qui oserait soupçonner M. Thiers d’infidélité à ses engagemens ? Ses collègues le connaissent trop bien pour lui faire jamais cette injure. — Ajoutons, pour achever de dissiper les malveillans soupçons qui pourraient naître à la lecture de ce livre, que M. Thiers lui-même y est très maltraité, plus même qu’il ne convient peut-être. Dubois, disait le régent, en vérité, tu me déguises trop !

Dans cet état incertain et chancelant, les chefs du cabinet cherchent à se ménager de nouveaux appuis au sein de la chambre, et se préparent à tous les évènemens. On a fait sonder, dit-on, les dispositions de M. Passy et de M. Sauzet, qu’on voudrait placer, l’un à la tête de la direction de l’administration de la guerre, avec le titre de ministre de l’administration, titre qui existait sous l’empire, et l’autre au ministère de la justice, en qualité de sous-secrétaire d’état. Au milieu des conversations particulières qui s’étaient établies dans le salon de M. de Rigny, le jour de ses obsèques, on distinguait la voix de M. Dupin aîné, qui démontrait la nécessité de rétablir les ministres d’état, afin, disait-il, de satisfaire quelques ambitions embarrassantes, et de renforcer le conseil de quelques hommes capables qui n’ont pas l’emploi de leur haute intelligence. Il paraît que cette pensée, déjà exprimée en un autre lieu, avait été écoutée, et qu’on songe sérieusement à créer plusieurs ministres d’état, qu’on prendrait dans la fraction de la majorité où s’appuie M. Thiers. On a remarqué aussi un rapprochement entre M. Guizot et M. le comte Molé, qui s’étaient perdus de vue depuis long-temps. Toutes ces petites précautions, tous ces rapprochemens imperceptibles, font prévoir, à ceux qui ont l’habitude des intrigues politiques, quelques orages pour le commencement de la session.

Croirait-on que la discorde a failli éclater entre deux ministres au sujet d’un théâtre ? On ne sait pourquoi l’un de ces ministres tient à voir augmenter la subvention, prolonger le bail, et autoriser l’émission d’un capital d’actions du théâtre de l’Opéra-Comique, où chante,