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sur les Grecs près de Brousa. Enfin, après un long intervalle de repos, causé par sa vieillesse, ce chef nomade mourut en 1288. Son fils Osman lui avait déjà depuis long-temps succédé dans la carrière des armes ; agrandissant continuellement par son infatigable persévérance le cercle de sa puissance, il était réservé à ce jeune chef de s’élever bientôt à la dignité de prince indépendant, et de devenir le principe de l’illustre dynastie des Osmanlis.

Quelques jours avant la mort d’Ertoghrul, Osman à la tête de ses amis avait enlevé sur les Grecs le château de Karadjahissar, l’une des forteresses dont ils étaient encore maîtres sur le territoire asiatique. Alaeddin, pour s’attacher le jeune homme et lui donner bon courage, lui avait adressé, au sujet de cette victoire, les insignes de prince, le drapeau, les timbales, la queue de cheval ; en même temps, il lui avait conféré l’investiture du fief qu’il venait de conquérir. Enhardi par ce changement de position, le jeune Turc fut bientôt tout entier à l’idée de la guerre. Depuis long-temps les hordes d’Ertoghrul avaient pris l’habitude, aux approches de l’été, lorsqu’elles quittaient la plaine pour se rendre avec leurs troupeaux dans les montagnes, de déposer leurs effets les plus précieux entre les mains du commandant grec du fort de Biledjik, avec lequel elles avaient toujours vécu en bonne intelligence. De cette manière elles ne craignaient pas d’être inquiétées sur leur passage par les commandans des autres forts, et notamment par celui d’Angelocoma qui s’était déclaré leur ennemi ; et à leur retour, elles retrouvaient les objets dont elles avaient besoin et qui leur étaient fidèlement remis. Les Grecs avaient seulement exigé, comme garantie, que ce seraient les femmes qui seraient chargées de ces transports. Quant aux hommes, les portes de la forteresse leur demeuraient fermées, et ils s’acquittaient chaque année, envers le commandant, en lui envoyant, à leur retour des montagnes, des fromages, des outres de miel, des peaux de chèvre et des tapis grossiers, comme ils avaient l’industrie d’en fabriquer. L’amitié était donc ainsi de vieille date lorsque le commandant de Biledjik, ayant commencé à prendre ombrage de la puissance ascendante d’Osman, imagina, de concert avec les commandans de Yarhissar et de Belocoma, de s’en défaire par trahison. Les noces du commandant de Biledjik avec la fille du commandant de Yarhissar, que l’on devait prochainement célébrer, et auxquelles Osman se trouvait invité, devaient servir d’occasion. Osman avait été heureusement prévenu du complot. Tandis que son perfide ennemi l’attendait au lieu fixé pour la réunion, profitant de l’habitude prise pour le transport des trésors, il s’introduit dans l’intérieur de la forteresse avec trente-neuf de ses plus