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HISTOIRE LITTÉRAIRE.

sentimens, la vie des hommes qui ont vécu avant lui. C’est là ce que nous cherchons dans l’histoire, c’est là ce qui nous intéresse ; et c’est même la seule chose que nous puissions comprendre. Un fait sans explication est un hiéroglyphe insupportable. Qu’on imagine, en certains cas, de donner une grande prédominance au récit des faits sur l’exposition des idées, à la bonne heure : mais encore faut-il que l’écrivain ait à part soi la connaissance des révolutions de l’esprit auxquelles ces faits se rattachent, et qu’il communique à son lecteur cette connaissance. « Je ne sache rien de plus méprisable, qu’un fait, » disait un jour avec raison M. Royer-Collard : on prit pour une boutade de fantaisie la vérité la plus vraie et la plus incontestable.

Comment tracerez-vous l’histoire de la décroissance et de la destruction du paganisme, si la nature de cette antique religion est pour vous lettre close ? Est-ce connaître un fait que d’en ignorer la cause ? N’est-ce point au contraire le méconnaître, que de lui en assigner une dont il ne peut dépendre en aucune façon ? Nous regrettons, pour cette œuvre nouvelle de M. Beugnot, que sa vaste érudition n’ait point été secondée par une meilleure conception de la partie philosophique de son sujet. Il en est même résulté un dommage notable et sensible pour tous les faits si laborieusement accumulés par lui. Enchaînés malgré eux, et servant presque toujours à prouver des idées qui nous paraissent fausses pour la plupart, quand elles ne sont pas seulement hasardées et controversables, ils perdent toute valeur et tout crédit. Ces témoignages muets des ruines de tous genres, monumens, médailles, inscriptions, manuscrits, ont besoin d’une interprétation qui les féconde et les vivifie : or, cette interprétation ne peut naître que de l’idée, c’est-à-dire de la connaissance de la cause du fait, et non du fait lui-même, comme M. Beugnot a l’air de le penser.

Ce n’est pas ici le lieu d’insister davantage sur le vice radical du livre de M. Beugnot. Ce livre a été couronné, en 1832, par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres : nous ne pensons pas cependant qu’il ait atteint le but proposé. Les matériaux qu’il renferme auraient besoin d’être repris en sous-œuvre par une intelligence moins érudite, moins savante, mais plus philosophique.


Histoire parlementaire de la révolution française, ou Journal des assemblées nationales, depuis 1789 jusqu’en 1815, par P. J. B. Buchez et F. C. Roux[1].

Les volumes xix et xx ont paru. Ils commencent l’histoire de la

  1. Librairie de Paulin, rue de Seine-Saint-Germain, 33.