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HISTOIRE LITTÉRAIRE.

cette école ? c’est le grand peintre Vélasquez. « Tous les objets qu’il peint sont palpables ; tous les êtres qu’il représente sont vivans ; l’air joue au milieu d’eux, les enveloppe et les pénètre. Voilà bien, dans la dégradation des plans, l’espace et sa profondeur ; voilà bien, dans celle des tons, la lumière et tous les phénomènes d’optique ; on compterait les pas de cette galerie ; on baisse les paupières à la resplendissante clarté de cette porte entr’ouverte ; on voit respirer ces personnages, on les entend parler. » C’est ainsi que M. Viardot s’exprime au sujet d’un tableau de ce maître, représentant l’intérieur du palais de Philippe iv, et ce sont les mêmes éloges qu’il donne à tous les chefs-d’œuvre de Vélasquez, à ses Buveurs, à sa Reddition de Bréda, à ses Forges de Vulcain, à ses paysages, à ses portraits. Mais, dit-il, « il n’aimait pas à traiter les sujets sacrés. C’est un genre qui exige moins l’exacte imitation de la nature, où il excellait, que la profondeur de la pensée, la chaleur du sentiment, l’idéalité de l’expression, toutes choses qui échappaient à son esprit observateur et mathématique.»

Quel est donc le caractère de Vélasquez, et en général de la peinture espagnole ? La noblesse et la vérité ; c’est une noblesse supérieure unie à une vérité parfaite ; ou plutôt c’est la nature si bien rendue, exprimée d’une manière si vivante, que cette vie donnée à la toile vous impose et vous pénètre d’admiration. La peinture espagnole est vraiment un art à part : c’est la vérité des Flamands transportée dans la peinture de Paul Véronèse.

Mais Murillo ! nous dira M. Viardot, que ferez-vous de Murillo dans ce système ? Avant les précieuses révélations que M. Viardot nous a apportées sur le génie de Murillo, trop peu connu en France, ce grand peintre eût passé, du consentement de tout le monde, pour l’exemple le plus frappant du caractère que nous attribuons à l’art espagnol. On croyait en effet assez généralement qu’il n’avait eu qu’une manière, et on le citait pour la vérité, l’imitation de la nature ; il était célèbre parmi nous pour la misère sale, déguenillée et vermineuse de ses petits mendians ; on croyait que ses saints n’étaient tous uniformément que des paysans espagnols. M. Viardot convient, il est vrai, que ses vierges ne sont nullement raphaéliques : « Elles restent plus près de la nature, et on peut en retrouver le type dans toute jeune mère, belle, douce et tendre. » Mais il nous avertit que « Murillo avait à la fois trois genres qu’il employait alternativement et suivant l’occasion. Ces trois genres sont appelés par les Espagnols froid, chaud, et vaporeux (frio, calido, y vaporoso). Leurs noms les désignent suffisamment, et l’on conçoit également bien le choix de leur emploi. Ainsi, les polissons et