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rer. Et ne croyez pas qu’il s’agisse là d’une simple galerie de portraits. Non, vous dis-je, l’auteur les fait mouvoir et parler, ces hommes dont toute l’action est dans la pensée, et dont la pensée a sa forme originale, désormais indélébile, et si présente au souvenir de tous. Ce sont d’éternelles causeries, causeries de femmes et de philosophes, dans les salons ; et le soir, au coin du feu, chez le baron d’Holbach, causeries abandonnées où Diderot joue le rôle principal. Chacun devine que M. Claudon a composé son livre de mots et d’anecdotes, soigneusement recueillis çà et là, fondus et soudés en de nouvelles combinaisons. Dire que cet ouvrage est supportable à la lecture, c’est, à ce qu’il nous semble, reconnaître en M. Claudon beaucoup d’esprit gaspillé mal à propos. À quoi bon, en effet, reproduire le xviiie siècle dans sa réalité la plus vulgaire et la mieux décrite ? Que la copie soit fidèle, je le veux ; mais à la copie nous préférerons toujours les livres originaux, surtout la correspondance de Diderot, qu’en maint passage M. Claudon a dialoguée ; et voilà que, bien à regret, nous devons engager le lecteur à faire en cela comme nous.

Les Monikins, roman sério-philosophico-politico-bouffon, par Fenimore Cooper, traduit de l’anglais, par M. Benjamin Laroche[1].

« Cet ouvrage, nous dit le traducteur dans son avant-propos, sort de la ligne que semblait avoir suivie l’auteur jusqu’à ce jour. Le peintre des Mohicans et des Pionniers s’y montre encore quelquefois ; mais, vu dans son ensemble, ce livre paraît inspiré par le génie qui dicta Candide, qui créa Gulliver, qui burina don Quichotte… »

Nous en demandons bien pardon à M. Benjamin Laroche ; mais, de deux choses l’une, ou il nous a gâté entièrement ce chef-d’œuvre américain, ou la prédilection ordinaire des traducteurs pour leur original l’a complètement aveuglé sur le mérite réel de ce livre. Hélas ! oui, il n’est que trop vrai que l’auteur du Pilote, de l’Espion, des Mohicans, est sorti de sa route ordinaire, mais c’est pour l’expiation de nos péchés ; pour la première fois il a trouvé le secret d’être ennuyeux, si ennuyeux qu’avec la meilleure volonté du monde de lire son livre d’un bout à l’autre, nous n’avons pas pu aller jusqu’au second volume, nous l’avouons. Et pourtant nous avons lu Candide avec délices ; il est vrai que nous le lisions au collége furtivement, et malgré la défense expresse de nos maîtres d’étude, ce qui ne gâte rien, comme on sait ; mais

  1. vol. in-12, librairie de Charpentier, rue de Seine.