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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

poursuivaient ; plus il voyait l’exaltation de la Montagne, les soupçons haineux de Marat, les dangers suscités tour à tour au parti de Robespierre, par les Girondins, par la faction d’Hébert et par celle de Camille Desmoulins ; plus, en avançant dans cette effroyable histoire de la convention, il voyait tomber de têtes autour de Robespierre, et Robespierre, persévérant et impassible, lever fièrement la sienne ; et plus une invincible admiration s’emparait de lui et le prosternait, malgré lui, devant cet homme dont il ne dissimule cependant, au moment de sa chute, ni l’hypocrisie, ni l’astuce, ni la lâcheté. Mais aussi que de fois Robespierre a triomphé de ses ennemis, depuis la journée du 24 septembre 1792, où Barbaroux monta à la tribune pour demander sa tête, au nom de Marseille et de la France, jusqu’au 10 thermidor où il succomba enfin, et M. Thiers a un grand faible pour les hommes qui triomphent ! Il y a des momens même où, bien involontairement et à son insu peut-être, M. Thiers éprouve pour Robespierre le sentiment de respect qu’il porta plus tard à Napoléon. Il faut se hâter de dire qu’en ce moment-là, Robespierre relevait le dogme d’un Dieu, et faisait abolir le culte sauvage de la Raison. Plus tard, Robespierre s’écriait à la tribune de la convention que l’athéisme est aristocratique, ajoutant, dans une autre séance, que l’idée de l’être suprême et de l’immortalité de l’ame est à la fois sociable et républicaine. Robespierre parlant ainsi, et marchant processionnellement à l’établissement d’un culte religieux, commençait sans doute, aux yeux de M. Thiers, la tâche que Bonaparte acheva en faisant ouvrir les églises et en signant le concordat. M. Thiers l’a donc loué sans restriction de ces actes. Le jour où Robespierre proclama Dieu dans les rues de Paris, quand on n’y connaissait plus d’autre dieu que Lepelletier et Marat, ce jour-là Robespierre a été l’homme de M. Thiers. S’efforçant sincèrement de se mettre dans les circonstances où se trouvait le restaurateur de la religion et de la société, il l’a suivi avec admiration dans toutes ses tentatives d’ordre et de gouvernement. M. Thiers est homme d’état par ce côté ; quand il voit quelque part une idée d’organisation, même au milieu du sang, il court à elle et l’embrasse ; aussi, tant que Robespierre est debout, M. Thiers ne tarit pas, et les éloges vont leur train chaque fois que Robespierre prend la parole. Dans sa