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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

sans cesse sur ses derrières une cavalerie, non pas redoutable, mais des plus gênantes ! — Il faudra tout porter, artillerie de campagne, artillerie de siége, palissades de villes, etc. — Enfin, il faudra, outre les fourrages pour les chevaux, des vivres pour toute l’armée, et cette difficulté est immense. — Ajoutez que la côte d’Afrique est plate, battue par les lames et inabordable aux vaisseaux d’un grand tirant d’eau ; et vous aurez une faible idée des difficultés que M. Thiers amoncelait au-devant du seul acte national accompli par le ministère dont il s’était, à juste titre, constitué l’implacable ennemi.

On lève des matelots au Havre. M. Thiers s’oppose à la levée des matelots. La coupable folie du projet d’expédition le frappe plus vivement que jamais, à propos de cette levée. Il plaint de toute son âme ces malheureux matelots du commerce, qui, forcés, par la loi de l’inscription maritime, de se transporter sur les vaisseaux de l’état, quand ils en sont requis, n’auront plus que vingt-quatre francs par mois, au lieu de soixante qu’ils recevaient de leurs armateurs. Peu s’en faut qu’il ne les excite à s’opposer à cette espèce de tyrannie, qui pèse constamment sur eux. Nommer l’inscription maritime, cette belle institution qui assure l’avenir des marins, une espèce de tyrannie ! M. Thiers fera bien de ne pas devenir ministre de la marine.

L’expédition insensée continue de causer des insomnies à M. Thiers. Il examine tour à tour les côtes d’Afrique ; il lui semble impossible que nous débarquions jamais sur cette terre ennemie, et qu’une fois débarqués, nous puissions nous y maintenir. Bonaparte a dit, il est vrai, que la Méditerranée est un lac français (M. Thiers aime cette citation) ; mais les puissances nous permettront-elles de garder Alger ? M. Thiers ne le pense pas ; car le monde, dit-il, n’est pas prêt à déchirer le protocole de Vienne. D’ailleurs, les Turcs reviendront en Afrique. La piraterie se continuera malgré nous ; et au lieu d’une piraterie organisée, régulière, dirigée par un gouvernement (M. Thiers ajouterait, s’il l’osait, au lieu d’une piraterie honorable et paternelle comme celle du dey d’Alger), on aura la piraterie isolée, beaucoup plus redoutable. L’expédition coûtera 200 millions ; si vous avez trop d’argent, achevez Cherbourg, mettez nos places fortes dans