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restauration, et où il avait résumé, avec son habilité ordinaire, les vues qu’il avait recueillies dans la conversation des hommes versés en ces matières. On vivait alors dans une touchante union, et toutes les nuances d’opinions étaient confondues dans le ministère ; M. Molé, si vous l’avez oublié, était alors ministre des affaires étrangères ; M. de Broglie, qui ne saurait plus vivre avec lui, siégeait à son côté, au conseil, avec le portefeuille de l’instruction publique ; M. Guizot, chargé du ministère de l’intérieur, s’entendait avec les membres les plus ardens de la société aide-toi, le ciel t’aidera, pour le choix des préfets. M. Dupont de l’Eure administrait le département de la justice ; le maréchal Gérard, celui de la guerre ; M. Sébastiani se contentait modestement de la marine, et M. Laffitte, ainsi que M. Périer, ministres sans portefeuille, semblaient ne faire qu’un dans le conseil.

La seule énonciation de tous ces noms vous paraît étrange aujourd’hui, et je n’ai pas besoin de vous dire que ce faisceau, noué par des liens si mal assortis, ne tarda pas à tomber en pièces. M. Périer, M. Molé, le baron Louis et le maréchal Gérard se plaignaient du désordre qui régnait dans la hiérarchie ; je crois, sans l’affirmer, qu’une lutte s’engagea à cette époque entre M. Odilon Barrot, préfet de la Seine, et M. Guizot ; de leur côté, M. Laffitte, M. Dupont de l’Eure et M. de Lafayette, s’appuyant sur ce qu’on nommait l’opinion populaire, voulaient qu’on fît des concessions, au lieu de demander des mesures de répression ; en un mot, dans le conseil même s’étaient organisés la résistance et le mouvement. Le mouvement emporta la résistance. M. Laffitte devint président du conseil, ministre des finances ; M. Périer se retira dans sa maison ; M. de Montalivet remplaça M. Guizot ; le maréchal Maison prit la place de M. Molé, et le baron Louis quitta, pour la dixième fois, les affaires.

Durant tout ce ministère, M. Thiers avait peu marqué. Il attendait dans l’inaction et dans l’étude assez stérile des cartons du ministère des finances, où il vivait. Le baron Louis, vieillard plein de verdeur, cloué chaque jour, dès six heures du matin, sur les rapports et les états de ses chefs de division, rompu au métier de ministre des finances, qu’il avait pratiqué si long-temps et si souvent, ne laissait à M. Thiers qu’un rôle subalterne. Le vieux mi-