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l’histoire de la révolution. Il exhuma un beau jour ces lois de deux ou trois époques, en fit un tout assez incohérent, et le présenta à M. Laffitte qui vint le lire à la chambre. Il y avait à peine quinze jours que M. Laffitte était ministre, et déjà M. Thiers avait renversé toute l’assiette de l’impôt. Il s’agissait tout simplement de convertir la contribution personnelle et mobilière, et la contribution des portes et fenêtres, d’impôt de répartition, en impôt de quotité. La France était bouleversée, l’émeute aux portes, l’inquiétude et l’effroi partout ; le Midi hésitait encore à se soumettre aux lois de 1830, la Vendée avait repris les armes, la ville de Lyon menaçait la France du soulèvement qu’elle a opéré depuis ; n’importe, l’ardent désir d’innover qui animait M. Thiers, l’emportait malgré lui. Ce que Napoléon, ce que les Bourbons n’avaient pas osé faire, l’un dans la plénitude de sa puissance, les autres dans la sécurité d’une profonde paix, M. Thiers voulait l’accomplir en 1830. La répartition des contingens de l’impôt était alors ce qu’elle était en 1791, quand l’assemblée constituante l’adopta. Sans doute, ces contingens pouvaient être mieux répartis, puisque les contributions furent fixées alors d’après les charges des anciennes provinces. Le plan de M. Thiers eut donc été bien conçu, s’il avait eu le dessein d’égaliser les charges, et d’empêcher, par exemple, que le département du Bas-Rhin ne payât la contribution personnelle immobilière que dans le rapport de quatre-vingt-quatorze centimes par tête d’individu, tandis que le Loiret la payait dans le rapport de un franc quatre-vingt-sept centimes ; mais telle n’était pas sa pensée. Ce qu’il voulait, c’était fouiller plus profondément dans toutes les bourses, lancer les agens du fisc dans les recoins les plus oubliés, et chercher partout, au moyen de cette loi, une nouvelle matière imposable. M. Thiers disait même avec beaucoup de bonhomie, dans la discussion de cette loi, que plus l’impôt serait varié, plus on atteindrait les fortunes, qu’il fallait poursuivre cette variété de l’impôt sous toutes les formes ; que l’impôt était un art qui se perfectionnait tous les jours, et qui arriverait bientôt, il fallait l’espérer, à sa dernière perfection. Par la nouvelle loi, un million de plus d’individus paieront l’impôt ! ajoutait M. Thiers. Un million d’individus que la restauration avait épargnés, allaient être atteints