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L’ESPAGNE DEPUIS FERDINAND VII.

eut été sûr de mettre au monde un fils, on n’eût rien changé sans doute à l’ordre de successibilité établi en Espagne par la maison de Bourbon, mais on n’en pouvait pas courir la chance ; on jugea plus prudent d’abolir la loi salique, elle fut abolie.

Grande fut la rumeur dans le sein du parti monacal ; vives furent les réclamations de don Carlos contre ce coup d’état inattendu. Mais le clergé était ici en contradiction flagrante avec lui-même ; dépositaire, au moins il s’en vante, des antiques traditions de la monarchie espagnole, il aurait dû, pour être dans son rôle, s’associer à la pragmatique sanction, puisqu’elle n’était et n’est en effet que le retour de l’ancien droit espagnol, en vigueur dès le temps des Goths et pratiqué sans réclamation et sans interruption pendant près de mille ans, jusqu’au commencement du xviiie siècle.

Pendant cette longue série de siècles, nous trouvons la femme sur le même rang que l’homme dans le droit de succession, et, sans vouloir traiter ici le fond de la question, ce qui nous entraînerait trop loin, nous devons remarquer que l’Espagne a une obligation particulière au droit goth, puisqu’elle lui doit le bienfait immense de l’unité. C’est en effet le mariage de Ferdinand, roi d’Aragon, avec Isabelle, reine de Castille, qui a fondé la monarchie espagnole par l’inséparable union des deux couronnes jusqu’alors rivales et divisées. Avant cette époque mémorable il y avait eu des Espagnes, il y eut dès-lors une Espagne. Or, si en vertu de la loi salique, les femmes eussent été proscrites du trône, Isabelle n’aurait pas régné, l’union n’aurait pas eu lieu, et il y aurait encore aujourd’hui une couronne de Castille et une couronne d’Aragon.

Ajoutons que Charles-Quint n’a régné sur l’Espagne qu’en vertu du droit goth, car son père était Flamand ; sa mère, Jeanne-la-Folle, était fille d’Isabelle-la-Catholique.

Le droit ancien fut conservé intact par la dynastie autrichienne, et la successibilité féminine était si bien regardée comme un des élémens fondamentaux de la constitution monarchique, qu’en 1659 l’infante Marie-Thérèse, fille de Philippe iv, renonça, en épousant Louis xiv, à tous ses droits sur l’Espagne. C’est ce que les historiens appellent la Capitulation matrimoniale. Ce ne fut point