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vue appelée à jouer un grand rôle dans les affaires de l’Europe, et M. de Metternich a donné à sa politique un caractère de persévérance, ou plutôt d’immobilité, qui résulte sans doute d’une pensée fortement conçue, et accomplie comme une mission.

J’irai vite sur les premières années de M. de Metternich, afin d’arriver à la haute partie de son système ; je me dégagerai de toutes les petites passions du jour, de tous les préjugés de nationalité, pour voir l’homme d’état.

Clément-Wenzeslaus, comte de Metternich-Winneburg-Ochsenhausen, est né à Coblentz le 15 mai 1773, d’une bonne maison allemande ; il reçut les prénoms de Clément-Wenzeslaus du prince de Pologne et de Lithuanie, duc de Saxe. À l’âge de quinze ans, il entra à l’université de Strasbourg. L’effervescence des idées de liberté éclatait de toutes parts en Europe. Dans cette vieille université se trouvaient alors réunis, sous le célèbre professeur de Kock, deux jeunes hommes que la fortune jeta depuis dans de hautes carrières : Loewestein et Benjamin Constant ; le comte de Loewestein, l’un de ces nobles Suédois qui dominèrent ce mouvement aristocratique d’où sortit la couronne au front, un des fils de la révolution française ; Benjamin Constant, l’homme de l’esprit, des idées, de l’imagination, rêveur puissant au milieu de ces têtes positives. Le comte de Metternich achevait sa philosophie avec l’année 1790 ; ses études furent complétées en Allemagne. À vingt et un ans il visitait l’Angleterre, la Hollande ; il vint enfin habiter Vienne, où il épousa Marie-Éléonore de Kaunitz-Rietberg.

C’est à cette époque que M. de Metternich entra dans la diplomatie active. Il avait assisté comme simple secrétaire au congrès de Rastadt ; puis il accompagna le comte de Stadion dans ses missions en Prusse et à Saint-Pétersbourg ; il était auprès du czar lors de cette alliance de la Russie et de l’Autriche, glorieusement détruite à Austerlitz par Napoléon. Le comte de Metternich participa à tous les traités de cette époque ; ses idées jusqu’alors paraissaient appartenir à l’école de M. de Stadion, qui fut bientôt appelé au ministère des affaires étrangères. Ce ministre songeait à M. de Metternich pour l’ambassade de Russie ; mais le traité de Presbourg ayant complètement modifié la situation de l’Autriche en Europe, François ii préféra l’envoyer à Paris. L’ambassadeur arriva le 15 août 1806, au moment où le canon des Invalides annonçait la grande fête de Napoléon.

Le système et la situation politique que le comte de Metternich représentait à Paris étaient compliqués et difficiles. La maison d’Autriche avait subi bien des revers depuis la première coalition contre la