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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

mais il n’aurait su, en caractères purement hiéroglyphiques, comment apprendre à son correspondant que la plaine où se passa ce glorieux évènement était près du village de Marengo, et que le général victorieux s’appelait Bonaparte. Un peuple chez lequel la communication des noms propres, entre une ville et l’autre, ne pourrait avoir lieu que par l’envoi de messagers, en serait, comme on voit, aux premiers rudimens de la civilisation ; aussi, tel n’est pas le cas du peuple chinois. Les caractères hiéroglyphiques constituent bien la masse de leur écriture ; mais quelquefois, et surtout quand il faut écrire un nom propre, on les dépouille de leur signification idéographique, pour les réduire à n’exprimer que des sons et des articulations, pour en faire de véritables lettres.

Ces prémisses ne sont pas un hors-d’œuvre. Les questions de priorité que les méthodes graphiques de l’Égypte ont soulevées, vont être maintenant faciles à expliquer et à comprendre. Nous allons, en effet, trouver, dans les hiéroglyphes de l’antique peuple des Pharaons, tous les artifices dont les Chinois font usage aujourd’hui.

Plusieurs passages d’Hérodote, de Diodore de Sicile, de saint Clément d’Alexandrie, ont fait connaître que les Égyptiens se servaient de deux ou trois sortes d’écritures, et que dans l’une d’elles, au moins, les caractères symboliques ou représentatifs d’idées jouent un grand rôle. Horapollon nous a même conservé la signification d’un certain nombre de ces caractères ; ainsi, l’on sait que l’épervier désignait l’ame ; l’ibis, le cœur ; la colombe (ce qui pourra paraître assez étrange) un homme violent ; la flûte, l’homme aliéné ; le nombre seize, la volupté ; une grenouille, l’homme imprudent ; la fourmi, le savoir ; un nœud coulant, l’amour, etc., etc.

Les signes ainsi conservés par Horapollon ne formaient qu’une très petite partie des huit à neuf cents caractères qu’on avait remarqués dans les inscriptions monumentales. Les modernes, Kircher entre autres, essayèrent d’en accroître le nombre. Leurs efforts ne donnèrent aucun résultat utile, si ce n’est de montrer à quels écarts s’exposent les hommes les plus instruits, lorsque, dans la recherche des faits, ils s’abandonnent sans frein à leur imagination. Faute de données, l’interprétation des écritures égyptiennes paraissait depuis long-temps, à tous les bons esprits, un problème complètement insoluble, lorsque, en 1799, M. Boussard, officier du génie, découvrit, dans les fouilles qu’il faisait opérer près de Rosette, une large pierre couverte de trois séries de caractères parfaitement distincts. Une de ces séries était du grec. Celle-là, malgré quelques mutilations, fit clairement connaître que les