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roles. Mon ami, épargnez-moi, dans ce moment surtout, où je n’ai pas bien ma tête, et où je ne me soutiens plus qu’avec peine.

— Appuie-toi sur moi, lui dit Parquet, tâchons de rejoindre ta mère dans cette foule, et viens avec moi boire du bishoff à la maison. Je n’y manque jamais après avoir plaidé, et je m’en trouve bien ; d’ailleurs, je ne serai pas fâché d’en boire moi-même, j’ai sué, tremblé et brûlé plus que toi, en t’écoutant.

Simon, n’osant aller encore à Fougères, écrivit à Fiamma pour la remercier des encouragemens qu’elle lui avait donnés et auxquels il devait le bonheur de son début. — Il était bien résolu à ne pas violer son vœu ; mais néanmoins il lui échappa malgré lui des paroles passionnées et l’expression d’une vague espérance.

Fiamma le comprit, et lui répondit une lettre fort affectueuse, mais plus réservée qu’il ne s’y était attendu. Elle semblait rétracter avec une extrême adresse le sens passionné que Simon eût pu donner aux trois mots de son premier billet, et lui faire entendre qu’il y aurait folie de sa part à prendre pour une déclaration d’amour cette parole écrite, ou plutôt criée du fond d’une ame fraternelle, en un moment de sainte sollicitude. En parlant succinctement du départ de son cousin, elle ne perdait pas l’occasion de parler de son aversion pour le mariage et de l’incapacité de son ame pour tout autre sentiment que l’amitié et le dévouement politique. Elle finissait en engageant Simon à lui écrire souvent, à lui rendre compte de toutes les actions et de toutes les émotions de sa vie, comme il avait coutume de le faire à Fougères ; elle se liait par une promesse réciproque.

Simon ne fut pas aussi reconnaissant de cette lettre qu’il eut dû l’être ; il eût accusé Mlle de Fougères d’un mouvement de hauteur, s’il n’eût rapporté au mystère de sa conduite relativement au vœu de célibat, toutes les démarches qu’il ne comprenait pas bien ; mais cette excuse ne lui était que plus cruelle, car ce mystère le tourmentait étrangement. Il avait entendu Parquet faire mille suppositions, dont la plus constante était celle d’un engagement pris en Italie, en raison d’un amour contrarié. Cependant, comme Mlle de Fougères ne parlait jamais de retourner dans son pays, quoique elle fût majeure et libre de quitter son père, ou de lui arracher son consentement, il était probable qu’il n’y avait plus pour elle aucun