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SIMON.

— Écouterai-je, monsieur, les ordres que vous avez à me donner, ou commencerai-je par vous présenter ma supplique ?

— Pourquoi ne m’appelez-vous pas votre père, Fiamma ? Je suis affligé de la froideur de vos manières avec moi. Nous avons été long-temps sans nous connaître, mais aujourd’hui que nous avons lieu de nous estimer réciproquement, un peu d’affection ne viendra-t-elle pas de vous à moi ?

— Je vous appellerai mon père, si vous le désirez, répondit Fiamma assez froidement ; car à voir le patelinage de ce préambule, elle craignait une tentative d’empiétement sur son indépendance, et ne se livrait nullement à la flatterie. Elle entra tout de suite en matière et demanda non la permission, mais l’approbation de se retirer dans un couvent. Fiamma avait alors vingt-cinq ans, et il était difficile de lui imposer d’autres lois que celles des convenances, celles de l’affection n’existant pas.

M. de Fougères montra un peu de malaise. — Certainement, ma chère fille, dit-il, je ne puis ni ne veux m’opposer à aucune de vos volontés ; mais si par tendresse et par raison, je puis obtenir de vous que vous n’exécutiez pas ce dessein, dans les circonstances où nous nous trouvons vis-à-vis l’un l’autre… Il s’arrêta avec embarras.

— Je vous avoue, monsieur, dit-elle, que j’ignore absolument ce qu’ont d’extraordinaire ces circonstances, et par conséquent ce qu’elles ont de commun avec le désir que je manifeste,

— En vérité, Fiamma ? vous l’ignorez, et ce n’est pas en raison de ces circonstances que vous désirez vous éloigner de moi ?

— Je vous le jure, monsieur.

— En ce cas, ma fille, que votre volonté soit faite. Seulement vous ne refuserez pas de sanctionner par votre présence l’acte qui va changer mon existence… Ici le comte entra dans une apologie tourmentée et fatigante de sa conduite, durant laquelle il répéta plus de vingt fois, non è vero, Fiamma ? pour arriver au résultat difficile qui lui tenait à la gorge. Enfin il avoua, avec beaucoup de trouble et d’appréhension, qu’il était à la veille de se remarier.

— En vérité ! s’écria Fiamma en tressaillant sur sa chaise. Eh bien ! mon père, je vous approuve et même je vous remercie ; vous ne pouviez m’apprendre une plus heureuse nouvelle, et la joie que j’en ressens est si vive, que je ne sais comment l’exprimer.