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SIMON.

forcée à vous cacher, et je présume que M. Féline, ayant fait fortune, est saisi aujourd’hui d’un remords de conscience ; car vous êtes tous fort pieux, lui, sa mère, vous, et la confidente, Mlle Parquet…

— Monsieur, dit Fiamma avec énergie, vous m’outragez, et je ne le souffrirai pas, car vous n’en avez pas le droit. Dieu sait que vous n’avez aucun droit sur moi.

— J’en ai que vous ignorez, mademoiselle, et qu’il est temps de vous faire savoir, s’écria le comte hors de lui. J’ai le droit du bienfaiteur sur l’obligé, de celui qui donne sur celui qui reçoit ; j’ai le droit qu’un homme acquiert en subissant dans sa maison la présence d’un étranger, et en l’y élevant par compassion. Ce droit, signora Carpaccio, le comte de Fougères l’a acquis en daignant nourrir la fille d’un bandit et d’une…

— Et d’une femme parfaite, indignement sacrifiée à un misérable tel que vous, répondit Fiamma d’un air et d’un ton qui forcèrent le comte à se rasseoir. Puisque vous savez tout, monsieur le comte, sachez bien que, de mon côté, je n’ignore rien, et je vais vous le prouver. Restez ici ; ne bougez pas, ne m’interrompez pas, je vous le défends ! La mémoire de ma mère est sacrée pour moi. N’espérez pas la flétrir à mes yeux, ni me faire rougir de devoir le jour à un chef de partisans, à un héros, qui est mort pour sa patrie, et dont je suis plus fière que de vos ancêtres, dont une loi absurde et impie me force de porter le nom. Bianca Faliero, de la race ducale de Venise, et Dionigi Carpaccio, paysan des Alpes, défenseur et martyr de la liberté, c’était une noble alliance, et il n’y a qu’une grande ame comme celle de ma mère qui dût savoir préférer la protection généreuse du brave partisan à l’avilissante faveur du comte de Stagenbracht.

— Que voulez-vous dire ? s’écria le comte en essayant de se lever et en bondissant sur son siége avec égarement ; quel nom avez-vous prononcé ? à quelle impure source de calomnie avez-vous puisé l’ingratitude et l’outrage dont vous payez ma miséricorde envers vous ?

— La voici cette source impure ! dit Fiamma en tirant de son sein un paquet de lettres ; c’est celle de votre fortune, signor Spazetta. Voici les preuves de votre infamie, écrites et signées de votre propre main ; voici les pièces du marché que vous avez