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SIMON.

votre clémence envers elle. Voici vos bontés pour moi : vous m’avez laissée vivre avec mon modeste héritage jusqu’au moment où, pensant acquérir des protections par mon établissement, vous m’avez arrachée à ma retraite et au tombeau de ma mère, pour me jeter dans un monde où je n’ai pas voulu servir d’échelon à votre fortune. Je savais de quoi vous étiez capable, monsieur le comte ; mais ce qui me rassurait, c’est qu’un contrat de vente illégitime eut été plus nuisible que favorable à vos nouveaux intérêts. Il ne s’agissait plus pour vous de payer un fonds de commerce d’épicerie, vous vouliez désormais jeter de l’éclat sur votre maison. Je ne me serais jamais rapprochée de vous, sans le secret inviolable que je devais aux malheurs de ma mère, sans la prudence extrême avec laquelle je voulais, par une apparence de déférence à vos volontés, éloigner ici, comme en Italie, tout soupçon sur la légitimité de ma naissance. Croyez bien que c’est pour elle, pour elle seule, pour le repos de son ame inquiète, pour le respect dû à ses cendres abandonnées, que je me suis résignée pendant plusieurs années à vivre près de vous et à vous disputer pas à pas mon indépendance sans vous pousser à bout. Un ami imprudent a allumé aujourd’hui votre fureur contre moi, au point qu’elle a rompu toutes les digues. Cette explication, la première que nous avons ensemble sur un tel sujet, et la dernière que nous aurons, je m’en flatte, a été amenée par un concours de circonstances étrangères à ma volonté ; mais puisqu’il en est ainsi, je m’épargnerai les pieux mensonges que je voulais vous faire sur mon vœu de pauvreté, je vous dirai franchement ce que je vous aurais dit à travers un voile. Vous pouvez donner ma main à Simon Féline, sans craindre que je fasse valoir sur votre fortune des droits que j’ai aux termes de la loi, mais que ma conscience et ma fierté repoussent. La seule condition à laquelle j’ai accordé la promesse de ma main, est celle-ci. Pour sauver les apparences et mettre vos enfans légitimes à couvert de toute réclamation de la part des miens (si Dieu permet que le sang de Carpaccio ne soit pas maudit), M. Féline vous signera une quittance de tous les biens présens et futurs, que votre respect pour les convenances et mes droits d’héritage m’eussent assurés…

M. Féline sait-il donc le secret de votre naissance ? dit M. de Fougères avec anxiété.

— Ni celui-là, ni le vôtre, monsieur, répondit Fiamma : ces deux