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sophies. En effet, ou vous êtes satisfaits de la Nature, et vous vous y conformez ; ou bien vous réprouvez la Nature, et vous cherchez ailleurs une autre règle de conduite ; ou enfin vous l’acceptez sans en être pourtant satisfaits, et vous prétendez la corriger et la perfectionner suivant un type supérieur que vous avez en vous ou que vous démêlez en elle. Le duel est donc, 1o  entre ceux qui sont satisfaits de la Nature, ou qui, sans en être satisfaits, l’acceptent comme un maître, un arbitre, un juge souverain, dont il n’est pas possible d’appeler (Épicure) ; 2o  ceux qui, mécontens de la Nature, en appellent à eux-mêmes (Zénon) ; et 3o  ceux qui regardent cette Nature comme un état imparfait, mais transitoire, dont il est possible de corriger les défauts en se conformant à un certain idéal (Platon).

Platon, Épicure, et Zénon, voilà les trois solutions tranchées du problème que Socrate avait posé.

Platon précéda d’un siècle Épicure et Zénon ; mais ces deux derniers naquirent en même temps, pour s’opposer l’un à l’autre, et faire à eux deux une sublime antithèse.

Au surplus ces deux solutions contraires du stoïcisme et de l’épicuréisme sont tellement la conséquence du double aspect de notre vie, du mélange de bien et de mal qui s’y trouvent, que cent ans avant Platon, deux siècles avant Épicure et Zénon, Démocrite et Héraclite avaient présenté en regard le même contraste. Épicure et Zénon ne firent, pour ainsi dire, que reproduire avec plus de lumière et d’éclat ces deux figures, cachées dans le voile d’une antiquité déjà profonde, et devenues les deux types de l’homme content de la Nature et de l’homme mécontent de son sort. On sait qu’Épicure emprunta à Démocrite les principaux points de son système, de même que les stoïciens puisèrent beaucoup de leurs idées dans la vieille école ionienne.

Acceptation de la Nature telle qu’elle est, voilà le fond du système d’Épicure.

Réprobation de la Nature et substitution complète d’une vie différente appelée Vertu, voilà le fond du système de Zénon.

Platon ne réprouve absolument ni n’accepte absolument la Nature. Et cependant, imbu des idées théologiques de l’Orient, il importe en Grèce les germes confus de la doctrine de la chute et de la rédemption.

Le système d’Épicure est le plus simple ; et cela devait être.