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GUELFES ET GIBELINS.

comme un loup qui écarte les chiens avant de se jeter sur les moutons.

Le vieillard, qui dominait la mêlée, le reconnut à son panache, à ses armes, et encore plus, à ses coups ; l’homme et le cheval paraissaient ne faire qu’un, et semblaient un monstre couvert des mêmes écailles. Ce qui tombait sous les coups de l’un, était foulé à l’instant sous les pieds de l’autre ; tout s’ouvrait devant eux. Le vieillard fit un signe à ses quatre fils, et Farinata vint se heurter contre une muraille de fer. Aussitôt les masses se serrèrent autour d’eux, et le combat se rétablit.

Farinata était seul parmi ces gens de pied qu’il dominait de toute la hauteur de son cheval, car il avait laissé les autres cavaliers gibelins bien loin derrière lui. Le vieillard pouvait suivre son épée flamboyante, qui se levait et s’abaissait avec la régularité d’un marteau de forgeron ; il pouvait entendre le cri de mort qui suivait chaque coup porté ; deux fois, il crut reconnaître la voix de ses fils ; cependant il ne cessa point de sonner la cloche ; seulement de l’autre main, il serrait avec plus de force le bras d’Arnolfo.

Farinata recula enfin, mais comme recule un lion, déchirant et rugissant ; il dirigea sa retraite vers les cavaliers florentins qui chargeaient pour le secourir ; pendant le moment qui s’écoula avant qu’il les rejoignît, le vieillard vit revenir deux de ses fils ; pas une larme ne sortit de ses yeux, pas une plainte ne s’échappa de son cœur ; seulement il serra Arnolfo contre sa poitrine.

Mais Farinata, les émigrés florentins, et les cavaliers allemands s’étaient réunis, et tandis que toutes les troupes siennoises chargeaient de leur côté, infanterie contre infanterie, ils se préparèrent à charger du leur.

La dernière attaque fut terrible ; trois mille hommes, à cheval et couverts de fer, s’enfoncèrent au milieu de dix ou douze mille fantassins qui restaient encore autour du carroccio. Ils entrèrent dans cette masse, la sillonnant tel qu’un immense serpent dont l’épée de Farinata était le dard ; le vieillard vit le monstre s’avancer en roulant ses anneaux gigantesques ; il fit signe à ses deux fils, ils s’élancèrent au-devant de l’ennemi avec toute la réserve. Arnolfo pleurait de honte de ne pas suivre ses frères.

Le vieillard les vit tomber l’un après l’autre ; alors il remit la