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second, plein de calme, de fraîcheur et de sérénité : on y respire je ne sais quoi de voluptueux et de lascif qui vous berce en des rêves charmans ; les mélodies ne s’exhalent plus de l’orchestre ; on dirait qu’elles se dégagent par bouffées odorantes de ces buissons en fleurs où se dérobent les baigneuses. Ce n’est que vers la fin du second acte que l’on voit à l’horizon, jusque-là sans tache, apparaître tout à coup comme un point noir le premier nuage de cette formidable tempête qui se prépare dans le ciel. L’air, si plein de goût et de délicatesse, que chante la reine Marguerite au milieu de ses femmes, rappelle trop ouvertement la première cavatine d’Euryanthe. En général, il y a chez M. Meyerbeer, durant tout ce second acte, une préoccupation trop marquée, sinon de la phrase même, du moins du style et de la couleur de la partition de Weber. Ce n’est pas que M. Meyerbeer en ait dérobé la note ou la mesure ; ce qu’il en a pris, c’est ce parfum matinal qui s’en exhale, cette fine fleur qui la recouvre comme un beau fruit ; cette musique sent Euryanthe comme la robe d’une belle jeune fille qui s’est assise dans la prairie, sent les violettes et le thym. Pour la phrase principale du duo entre Marguerite et Raoul, je m’étonne qu’elle soit venue à l’esprit de M. Meyerbeer, sans qu’il l’en ait chassée honteusement. C’est là une cabalette des plus mignardes, et qui n’a d’autre vertu que celle de plaire infiniment aux gens de mauvais goût. Or, un musicien tel que M. Meyerbeer n’est pas fait pour se conformer aux volontés de la classe estimable qui se réjouit de sornettes pareilles. La strette du finale, bien qu’elle manque de développement et d’haleine, est forte et d’un effet puissant.

Il y a dans les Huguenots un petit page qui traverse les deux premiers actes et disparaît au troisième, sans que personne songe à s’enquérir de lui. Or, ce page fait exactement ce qu’ont fait avant lui tous les pages d’opéra ; il est amoureux de sa maîtresse, il tremble et rougit chaque fois qu’il lui parle et se cache derrière les saules pour la voir se mettre au bain. Du reste, aucune mélodie, aucun trait ne le distingue de tous ceux qui l’ont précédé, et probablement de tous ceux qui lui succéderont encore. Or, quand il s’agit d’une œuvre de M. Meyerbeer, il est impossible de n’être point frappé de l’inopportunité d’un pareil caractère, qui, chez un compositeur médiocre, passerait inaperçu. Comment