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CHANTS DANOIS.

marteau d’or et ne le retrouve pas de long-temps. Tord appelle son frère : « Il faut que tu t’en ailles, dit-il, dans les montagnes du Nord, chercher mon marteau. » Locke son frère prend un vêtement de plumes, et vole par-dessus les larges flots de la mer du côté des montagnes du Nord. Il arrive dans une forteresse, entre dans la grande salle et se présente devant le hideux Tolpel.


« — Sois le bien-venu, Locke, sois le bien-venu ! Comment va-t-on à Meeresburg ? Comment va-t-on dans le pays là-bas ?

— Bien, répond Locke. Tord a perdu son marteau, voilà pourquoi je suis venu.

— Dis-lui qu’il est enfoui à cinquante-cinq brasses sous terre. Il ne le reverra jamais, qu’il ne me donne pour épouse la jeune Feidlefsborg et tout ce que vous possédez.

« Locke reprend son vêtement ailé et traverse les flots salés de la mer : Tu ne recouvreras pas ton marteau, dit-il à son frère, à moins que tu ne sacrifies la jeune Feidlefsborg et tout ce que tu possèdes.

« Mais sur le banc où elle était assise, la fière jeune fille s’écrie : J’aime mieux un chrétien que ce monstre hideux. Prenons notre vieux père, arrangeons-lui les cheveux, et conduisez-le comme fiancée, à ma place, dans les montagnes du nord.

« Ils donnent au vieillard des vêtemens de jeune fiancée, sur ces vêtemens ils n’épargnent pas l’or, puis ils se mettent en route. Ils arrivent et s’asseoient sur le banc des fiançailles. Le comte Tolpel entre pour présenter la coupe nuptiale à la jeune fille. Mais avant de boire, le vieillard mange quinze bœufs, trente cochons, sept pains. Puis, pour apaiser sa soif, il boit douze mesures de bière dans un grand seau à anses et manque d’avaler le seau. Tolpel se promène dans la salle, joint les mains et s’écrie : D’où vient donc cette fiancée qui dévore autant de choses ? Puis il dit au sommelier : Prends garde aux tonneaux, nous avons à traiter une femme qui aime terriblement à boire. Pendant ce temps Locke rit sous ses vêtemens, et dit : Elle n’a pas mangé depuis huit jours, tant elle était occupée de l’idée de venir ici.

« Tolpel appelle ses écuyers : Apportez-moi, s’écrie-t-il, le marteau d’or ; je l’abandonne volontiers, pourvu que je sois séparé d’une telle fiancée, à ma honte, ou à mon honneur. Huit guerriers apportent sur un arbre le marteau, et le posent en travers sur les genoux du vieillard. Celui-ci le prend, le manie comme une verge, et frappe le monstrueux Tolpel, puis ses compagnons. Tous les hôtes réunis, tous les hommes du Nord en pâlissent d’effroi, et reçoivent des coups de marteau et de mortelles blessures.