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REVUE LITTÉRAIRE DE L’ALLEMAGNE.

frontières diminue tous les jours ; la frontière était riche, il y a cinquante ans, non en argent, mais en bétail de toute espèce et en chevaux, et pouvait se vêtir et se chausser avec les produits du sol ; elle n’a plus aujourd’hui rien de tout cela, et l’habitant ne peut plus tirer de ses héritages nombreux, mais inutiles, de quoi se procurer les habits militaires prescrits, et acquitter les impôts élevés… Suppliez notre roi en faveur de ces braves, et persuadez les Hongrois qu’ils leur doivent le repos… Le peuple est infiniment plus nombreux que vous ; sans lui, vous manquent la nourriture et la vie. Montrez-lui donc l’affection convenable, afin qu’il puisse s’attacher à vous et à la constitution. Partagez avec lui les charges publiques, recommandez au roi, pour qu’il lui confère la noblesse, quiconque se distingue par son esprit et par ses actes, et insistez pour que celui qui est condamné par les tribunaux criminels, perde son rang, afin que soient réalisées les paroles de saint Étienne : « Celui-là seul est noble que ses actions ennoblissent. » L’invention de l’imprimerie a facilité l’instruction ; prenez donc garde qu’aucun esprit éclairé ne vous échappe ; car, s’ils se joignent à vous, vous en recueillerez du profit, tandis qu’en qualité d’adversaires, ils vous feront de la peine dans les temps difficiles. On peut dire beaucoup sur ce sujet ; réfléchissez-y en vous dégageant des préjugés de nos grands-pères. Nous ne sommes donc plus au même point de vue ; la fidélité, le droit et la vérité demandent à être envisagés sous un autre jour qu’au xviie siècle. »

Qui eut pu croire que de telles choses s’imprimaient à Carlstadt, dans un état soumis aux décisions de la chancellerie aulique autrichienne ?

Goethe in æmtlichen vehæltnissen (Goëthe considéré dans ses rapports officiels), par le docteur Vogel, in-8, Iena

Les écrivains allemands se sont partagé toutes les faces de Goëthe, comme les écoliers peintres se groupent autour d’un célèbre modèle d’académie. Voici un nouveau tableau qui nous le montre cette fois comme homme d’affaires. Le décri jeté depuis plusieurs années sur le pouvoir étant retombé sur ceux qui l’ont servi, on a fait à Goëthe un reproche d’avoir consenti à recevoir d’un prince ce qu’il pouvait ne devoir qu’à son génie. Il est à croire qu’il était fort peu sensible sous ce rapport. La faiblesse humaine a bien pu souvent obtenir de lui un sacrifice, en lui faisant désirer l’approbation des masses ; mais il savait s’en passer, au besoin. On voit qu’il estimait les hommes à leur valeur, sans les mépriser plus qu’il ne faut. Il est des êtres, en petit nombre à la vérité, auxquels de tels sentimens sont permis. L’indifférence de Goëthe pour certains systèmes, et peut-être aussi pour les moyens, tenait à l’élévation de son