Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/153

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
149
LE SALON.

ancien peintre par l’admiration et la sympathie, quand, en un mot, on sent comme lui, qu’on l’étudie, à la bonne heure ; qu’on le regarde, qu’on l’interroge, qu’on cherche comment il rendait sur la toile cette pensée et ce sentiment dont la nature vous est commune avec lui ; puis, après cela, qu’on se mette à l’œuvre, et qu’on se livre sur de nouveaux sujets à l’inspiration ainsi appelée. Alors il sera possible qu’on fasse un bon tableau, et ceux qui verront ce tableau ne trouveront pas qu’il ressemble à tel ouvrage connu du maître, mais ils diront que le maître lui-même aurait pu faire ce tableau. Mais le pastiche, au contraire, au lieu de saisir le foyer, rassemble des rayons partiels ; au lieu de chercher à pénétrer à travers la forme dans la grande ame de Titien ou de Rubens, il ne s’attache qu’à cette forme, il prend çà et là des figures, des torses, des draperies et des muscles ; triste dépouille ! ce n’est plus l’homme, ce sont les membres de l’homme ;


..... Disjecti membra poetæ.


Comment prend-on goût à une pareille tâche, surtout en peinture, où on a affaire à la réalité, et où la nature, qui pose devant l’artiste, n’a besoin que des yeux pour aller au cœur ?

La première impression, en entrant au salon, est donc fâcheuse et peu favorable. Nous verrons cependant plus tard si cette impression se modifie, et si du défaut même d’ensemble il ne serait pas possible de tirer quelques conséquences générales. Bornons-nous à dire dès à présent que, tel qu’il puisse être chez nous, l’art n’est nulle part en meilleure route. Qui a peu vu est difficile ; l’antiquité ou l’éloignement font respecter ce qu’on ignore. Par ennui de l’habitude, on médit des siens ; mais quand on passe la frontière, on apprend ce que vaut la France. Il est certain qu’aucune nation, maintenant, n’a le pas sur elle. En matière d’art, comme en d’autres matières, l’avenir lui appartiendra.

iii.

Le premier tableau qui s’offre aux regards, et devant lequel la foule se porte, est celui de M. Hesse. Il représente le Vinci venant d’acheter des oiseaux, et leur rendant la liberté.

Il respire sur cette toile un air de fraîcheur qui charme d’abord,