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LE SALON.

qu’elle soit, qu’avec restriction, car dans les figures que je blâme, il n’y a que le contour de raide ; on sent que la main qui les a peintes est originale malgré elle, et que, débarrassé de quelques légères entraves, le talent de M. Hesse prendra un vol libre et heureux, comme les oiseaux du Vinci.

Je passe devant le tableau de Robert, pour y revenir, et je trouve celui de M. Edouard Bertin. Il a une qualité rare aujourd’hui, de l’élévation et de la sévérité. M. Bertin semble avoir transporté dans le paysage, invention moderne, l’amour de la plastique, cher à l’antiquité. On sent qu’il cherche la beauté de la forme et du contour depuis les masses de ses rochers jusque dans les feuilles de ses arbres qui se découpent sur le ciel. Ses tons sont larges et fins, et la nature, qu’il étudie, est grave et noble sous son pinceau. Ce serait un beau frontispice à un missel qu’une gravure faite d’après son paysage. Je ne chercherai pas ce qui lui manque ; rien ne me choque, et tout me plaît.

M. Le Poittevin avait, l’année dernière, exposé sa Rentrée des Pêcheurs à la place même où est son nouveau tableau. Quoique celui-ci ait du mérite, la comparaison lui fait tort. Les eaux sont belles et jetées hardiment ; mais le sujet, perdu dans une scène trop vaste, ne produit pas l’effet désirable. Cette glorieuse fin du Vengeur est vue de trop loin ; il faut la chercher. Ce n’est qu’avec de l’attention, et sur l’avertissement du livret, qu’on aperçoit les héros mourans et tout ce désordre de la défaite. Les trois mâts du vaisseau vainqueur, qui apparaissent dans le fond, se lèvent trop droits sur cette mer houleuse ; ils ressemblent à un clocher. C’est un bon tableau de marine ; mais ce n’est pas tout ce que ce pouvait être.

Le Passage du Rhin me semble préférable à la Bataille de Fleurus, qui lui sert de pendant dans le grand salon. Il n’y a pas, dans la composition de M. Beaume la confusion qui fatigue dans celle de M. Bellangé ; mais le paysage est terne, et on ne sait si c’est le soir ou le matin.

La Vue prise à Naples, de M. Gudin, est pleine de lumière et de chaleur. J’aime ces pêcheurs couchés sur le rivage, cette teinte matte des maisons, et ce flot mourant qui glisse sur le sable et vient tomber sur le premier plan. Peut-être l’ensemble est-il trop coquet et trop ajusté, C’est du satin et de la moire ; mais il est impossible