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LE SALON.

Un intérieur d’appartement gothique, de M. Lafaye, doit être remarqué avec éloge. Je trouve à côté un tableau de M. Schnetz qui n’a pas assez d’importance pour qu’on puisse parler dignement, à propos de si peu de chose, du talent de l’auteur. C’est à Notre-Dame-de-Lorette que nous verrons bientôt ses nouveaux titres à une réputation si bien méritée.

Le Martyre de saint Saturnin, de M. Bézard, est une composition importante, et qui a un grand mérite de dessin. On y sent la manière de M. Ingres et l’étude de l’école romaine. Mais il ne faut pas que l’école romaine fasse oublier à ceux qui l’admirent qu’après Raphaël est venu le Corrège, et que l’absence du clair-obscur, en donnant du grandiose, ôte du naturel. Que M. Bézard se souvienne de ce mot du grand Allegri : Ed io anchè son pittore.

Une Voiture de masques de M. Eugène Lami m’amuserait comme un vieux péché, quand bien même je n’aurais pas à constater dans son auteur un talent fin et distingué. J’aime mieux ce petit tableau que la Bataille de Hondscoote, dont le paysage est de M. Dupré. Cette toile, d’un effet bizarre, mais qui a bien aussi son mérite, perd à être vue au salon ; placée isolément, elle gagnerait beaucoup.

Je remarque un Site d’Italie de M. Jules Cogniet, et je m’arrête devant Le Dante de M. Flandrin. Le Dante est bien ; sa robe rouge est largement peinte ; son mouvement exprime le sujet ; j’aime la tête du Virgile, mais je n’aime pas ce bras qui retient son manteau, non à cause du bras, mais à cause du geste ; car on dirait que le manteau va tomber. En général, tout le tableau plaît ; c’est de la bonne et saine peinture. Les Envieux ne sont pas assez des envieux ; la première de ces figures est très belle, la seconde et la troisième, celle qui regarde le Dante, sont bien drapées ; mais la cinquième tête, correcte en elle-même, ne peut pas être celle d’un homme envoyé aux enfers pour le dernier et le plus dégradant des vices, celui de Zoïle et de Fréron. Ce front calme, cet air de noblesse, cette contenance résignée, appartiennent, si vous voulez, à un voleur ou à un faussaire, mais jamais à un envieux. M. Flandrin, qui, je crois, est encore à Rome, a un bel avenir devant lui. Son Berger assis est une charmante étude, qui annonce une intelligence heureuse de la nature, avec un air d’antiquité.

Dans le Saint Hippolyte de M. Dedreux il y a de la verve et de la