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ne relève que de son évêque, qui ne reconnaît lui-même d’autre autorité que celle du pape.

L’esclave s’évade-t-il ? tous les états américains du sud sont d’accord pour le mettre hors la loi. Dans la Caroline du Sud, la première personne qui le rencontre peut le saisir et le fouetter. Le code de la Louisiane porte textuellement qu’il est permis de tirer sur les esclaves marrons qui ne s’arrêtent pas quand ils sont poursuivis. Le code du Tennessee contient des dispositions semblables. Des récompenses sont, en outre, accordées aux citoyens qui arrêtent l’esclave fugitif. La loi de la Caroline du Sud porte la peine de mort contre l’esclave en liberté, et contre toute personne qui l’a aidé dans son évasion. Les états du nord, qui ont aboli la servitude, repoussent de leur sein les esclaves errans et les livrent à leurs maîtres.

Si l’esclave ne travaille pas, s’il désobéit à son maître, s’il se révolte, et si, dans ses rapports avec les hommes libres, il commet des délits, comment le punira-t-on ? suivant quels principes ? avec quels châtimens ? Toutes les lois américaines portent la peine de mort contre l’esclave qui tue son maître ; mais plusieurs ne portent qu’une simple amende contre le maître qui tue son esclave. Les voies de fait, la violence du maître contre le nègre, sont autorisées ; le nègre qui frappe le maître est puni de mort. La loi de la Louisiane prononce la même peine contre l’esclave coupable d’une simple voie de fait envers l’enfant d’un blanc.

Il n’existe aucune loi pour punir l’injure commise par un homme libre envers un esclave. La loi du Tennessee prononce la peine du fouet contre tout esclave qui se permet la moindre injure verbale envers une personne de couleur blanche.

Non seulement les gradations pénales établies pour les hommes libres ne doivent pas s’appliquer aux esclaves, parce que la société a plus à craindre de ceux qu’elle opprime que de ceux qu’elle protège, mais encore on va voir qu’il y a nécessité de changer pour l’esclave la nature même des peines.

Quelques arrêts ont été cités récemment, en faveur de notre régime colonial, pour prouver que la peine du carcan, de la chaîne et de la fustigation, était souvent appliquée à des délits ou à des crimes réprimés en France par la peine des travaux forcés à temps. Il y aurait une excellente raison à l’appui de cette prétendue indulgence ; c’est que la peine devrait diminuer en raison de l’ignorance et de l’irresponsabilité morale du délinquant. Mais il ne s’agit ici que d’une spéculation admise par la justice. Le carcan, la fustigation et la chaîne enlèvent peu de temps au propriétaire de l’esclave. Voilà tout le secret de la mansuétude des tribunaux de nos colonies. M. de Beaumont a fait aux États-Unis des observations du même genre. Après avoir démontré que des trois peines applicables aux hommes libres, l’amende, l’emprisonnement, ou la mort, la première est