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REVUE MUSICALE.

les titres sont pareils, il ne s’ensuit pas que les œuvres se ressemblent le moins du monde. Il y a divers genres de folies, comme il y a différentes espèces de Klephtes.

— Alors pour que son œuvre soit complète, la première symphonie que M. Grisar composera s’appellera nécessairement la Folle.

— Que parlez-vous de symphonie ? dit mon voisin en détournant la tête d’un air dédaigneux ; Grisar ne fera jamais de symphonie.

Il serait difficile de dire à quelle école appartient cette musique : ce n’est là ni le système italien avec sa généreuse mélodie et sa verve entraînante, ni le système allemand avec son instrumentation et son dessin correct et vigoureux ; c’est tout simplement l’école de la romance. L’ouverture est une romance, l’introduction une romance, le finale une romance ; les duos ont des couplets et les quatuors des refrains. Malheureusement l’inexpérience de M. Grisar se révèle à chaque instant par le dénuement de son orchestre et la banalité de sa modulation. Et pourtant il abuse à tous propos des moyens dont le musicien dispose. Son orchestre est bruyant, tumultueux, confus ; il y a des timbales et des trombones à la surface, et rien au fond. C’est le propre de tous les hommes qui n’ont pas encore acquis l’habitude de l’instrumentation, de ne pas savoir se modérer dans le bruit : avec eux, les timbales roulent toujours, et les cuivres n’ont pas de cesse, on dirait qu’ils font tout cela pour tromper la foule ; mais le manteau de sons dont ils enveloppent leur musique est transparent, et par malheur en laisse voir toute la nudité. Certes, M. Grisar a eu le plus grand tort en agissant ainsi ; car ce tumulte incohérent ne convient en aucune façon au genre tout pastoral qu’il affectionne. Au moins si quelque mélodie heureuse et franche venait par intervalles reposer l’esprit et lui faire oublier le dénuement de cet orchestre ; mais hélas ! la mélodie de cette partition est une mélodie de romance, c’est-à-dire la plus monotone et la plus insipide de toutes les mélodies. Les gens qui admirent la Folle, et certes le nombre en est grand (je parle de la romance et non de l’opéra-comique), prétendent que c’est là un petit chef-d’œuvre de mélodie et d’expression. S’il en est ainsi, on ne saurait trop conseiller à M. Grisar de persévérer dans ce genre gracieux qui lui a valu ses premiers succès. Ce soir-là, Mlle Jenny-Colon, prima donna du théâtre des Variétés, débutait à l’Opéra-Comique. Tout ce qu’on peut dire de Mlle Jenny-Colon, c’est qu’elle joue assez bien la comédie, pour que la plupart du temps le public ne s’aperçoive pas qu’elle a une voix aigre et dépourvue de toute agilité, et qu’elle chante avec assez de méthode et de goût pour faire excuser sa mignardise et l’afféterie de son jeu. Les dilettanti trouvent que Mlle Jenny-Colon est une fort charmante comédienne, et les gens curieux de pan-